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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La citadelle assiégée
France / 2006
18.10.2006
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PEUPLES DE L’OMBRE
«D'instinct tous les animaux fuient...»
Pourquoi imaginer des histoires de superhéros quand la nature offre sous nos yeux un spectacle plus trippant qu’un thriller, plus passionnant qu'une guerre de tranchées ?
La citadelle assiégée aurait pu être un film de genre, un dessin animé ou même un documentaire animalier. Mais la fiction l'emporte sur la pédagogie. La voix off explicative, progressivement, se fait oublier, et se mêle à la musique. Il s'agit, devant nos yeux, d'un combat de deux civilisations : l'une pyramidale, cruelle, capable de tuer un serpent et dirigée par une Reine noire ; l'autre organisée en réseau, pacifiste, entièrement dévoue à leur Société et au service de leur majesté, blanche. Les fourmis contre les termites.
Reptiles et vautours ne sont que des figurants à ce conflit titanesque, où la nature et le climat jouent les invités d'honneur. Outre la prouesse documentariste, cette Citadelle réussit son tour de force grâce à quelques plans subjectifs qui placent le spectateur au cœur de la communauté des termites. Le rythme - musique, montage - et les couleurs désaturées lui apportent une atmosphère réaliste et une tension palpitante.
Alchimie des odeurs et contrôle des températures : les termites sont dotées d'une intelligence qui les font survivre à (presque) tout. Leur monde est complexe. A contrario les fourmis sont plus belliqueuses, se déplacent en colonnes, jouent le nombre comme force élémentaire, robots cyborgs au nom d'un « termitocide ». 10 millions de fourmis versus une termitière où la Reine est leur mère à tous. «La jeune Reine du début s’est transformée en énorme machine à pondre. »
Il suffit d'une minute en accéléré pour l'érection de cette citadelle, qui prend vingt mois. Le temps réel ne compte pas. Seul importe l'enjeu du film : notre coupe termite, royal, élu, vivra-t-il ses 70 ans d'union commune et fidèle ? Pondra-t-elle ses 30 000 œufs par jour ? Braveront-ils sans embûche les orages, le feu, la poussière, les pluies diluviennes et cette boue fatale ?
Ce qui était impénétrable devient envahit. La dernier tiers du film nous enchaîne à un suspens intenable : la Reine blanche succombera-t-elle à cet assaut digne d’un film de Pekinpah.
Mais si tout cela nous fait une jolie leçon sur les hasards qui font basculer l'Histoire, sur la manière de gérer le pouvoir, ou encore les systèmes d'organisation dans le règne animal, il faudra aussi méditer sur l'ambition et l’exigence d'une telle production. De la lexicologie qui ne nous prend pas pour des abrutis aux effets visuels empruntés aux blockbusters, le cinéma démontre que l'on peut parler de magie, de mystère et de bestioles sans la niaiserie prétentieuse de certains. Le film est expérimental et hallucinogène. Où les termites, à tort, jouent les Terminators. Matrice génétique et immobilisée par ses tâches, The Queen, doit survivre aux menaces naturelles qui deviennent de véritables rebondissements scénaristiques.
Nous voilà conquis, partisan. Impressionnés – malgré deux ou trois soucis de raccords.
D'autant que vers l'épilogue, on trouve nos petites termites translucides bien désorganisées, fragiles et affaiblies pour affronter les colonisateurs destructeurs. Mais n'oubliez pas : la nature est changeante et la termite pas si conne. Rusée et maligne, il y a toujours des solutions, rien n’est jamais perdu. Trois jours et trois nuits de batailles acharnées. De déferlantes hostilités, de folie collective, d'ivresse guerrière. Un bourbier mortel.
On devinera la fin simplement à l’écoute des temps de conjugaison employés par le narrateur. Conditionnel ou futur. Mais immuable. Un spectacle authentique et tous publics, entre le microcosmo-spécialiste Weber et le stratege chinois Sun Zi.
v.
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