Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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C'est beau une ville la nuit


France / 2006

08.11.2006
 



CINEMA VERITE





Nous sommes des combattants et nous avons une passion au fond de nous, la vie

Depuis les années 90, Richard Bohringer avait pris ses distances avec le cinéma. L’adaptation au cinéma de son livre C’est beau une ville la nuit qu’il met ici en images prouve qu’il a bien fait de revenir à l’une de ses passions et de passer derrière la caméra. Loin des chemins conventionnels et commerciaux du cinéma français, il réalise ici un film singulier, une météorite cinématographique qui ne ressemble qu’à lui.

C’est beau une ville la nuit se présente sous la forme d’un road-movie. Nous suivons la route d’un groupe de blues en tournée en France, au Canada puis en Afrique. Sur le chemin, Bohringer évoque sa vie, celle de sa fille et de tous ses frères de misère. Des itinéraires différents, marqués par des ruptures et des cicatrices. Son personnage d’homme « crucifié » - pour reprendre un des termes du film- réalise la communion entre tous les autres personnages qui l’entourent. Bohringer, à l’écran comme dans la vie, à travers son œuvre, cristallise toutes les histoires meurtries, les appels à vivre. Le personnage joué par Robinson Stevenin, le jeune écrivain Paulo, son double imaginaire, lui permet de placer au cœur de son film l’expression de l’amour qu’il veut développer sous tous les modes. Paulo apparaît à l’écran comme l’ange, icône de la pureté de l’amour. Il l’associe au personnage de Romane, sa fille, qui joue son propre rôle. Les deux amoureux appartiennent au monde de l’enfance et de l’innocence. A travers eux le réalisateur exprime la part de rêve porté en chacun (cf. scène des trois vœux par exemple). Ce regard du père sur sa fille insuffle la part romanesque(!) et littéraire du film.

Ecorché vif
Le film comme c’était le cas pour le livre ne peut pas être séparé de l’homme Bohringer. Entre autobiographie et roman, il porte le sceau de sa personnalité. Un écorché vif en quête d’amour dans les combats de l’existence. C’est beau une ville la nuit existe à l’écran comme une prière inspirée au spectateur. Entre l’oiseau égorgé des premiers plans et l’amour intemporel évoqué à la fin du film, Bohringer évoque sa vie d’homme blessé qui prend sans cesse son envol. Un être de passage sur la terre, en pèlerinage dans la vie qui, avec ses proches, vit intensément les moments de l’existence pour y exprimer la puissance des sentiments amoureux.
Son cinéma porte les multiples traits de sa personnalité. Un cinéma dont il est même difficile de caractériser l’unité formelle. Bohringer s’inspire de la liberté de filmer d’un Cassavetes, il rêve en effet d’un cinéma sans plan de travail, sans autorisation, mobile, léger et profond, pris sur le vif. Le réalisateur a autant de facettes (écrivain, poète, chanteur, musicien, voyageur…) que son film détient de styles. Mais à chaque scène, chaque plan, sur chaque visage filmé la recherche de la vérité. Les images évoquent la quête de l’humain, l’intérêt porté à la personne, l’amour des gens. Comment le cinéma pourra-t-il rejoindre au mieux l’authenticité de l’existence, la force de la vie ? Telle est la quête du réalisateur pour qui filmer est une impérieuse nécessité, un « laboratoire » des états d’âme et non un acte artistique commercial de bourgeois (cf. scène marquante de Romane Bohringer filmée en gros plan, dirigée par la voix off d’un metteur en scène qui lui explique stupidement les émotions qu’elle doit produire à l’écran). Bohringer respire et il tourne, sans calculs. Les images sont pour lui des exorcismes, des cris, des prières, une espérance et des rêves…

Puissant et authentique
La quête l’emporte jusqu’en Afrique qui compose la dernière partie du film (Occasion de revoir de très belles images du Senegal, à St Louis, au Djoudj notamment). Rien de plus puissant et de plus authentique que ce continent pour donner à cet amoureux de l’Afrique le terrain idéal de l’expression de la souveraineté de la vie. Méditative, la caméra balaye les rues, le mouvement des foules et de la vie, les paysages puissants et lointains. C’est beau une ville la nuit s’achève en prenant le large, à l’image du bateau qui glisse paisiblement le long du fleuve : les amoureux se retrouvent en songe, l’amour restera et ne se dissipera jamais.

Romane a déclaré au sujet du film de son père « Ce film est une seule grande image pour moi (…) si bien que le cinéma se confond avec la vie ». A sa suite et sans hésiter on pourrait dire aussi que C’est beau une ville la nuit offre au spectateur un bel éclat d’éternité au cinéma.
 
Pierre Vaccaro

 
 
 
 

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