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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Coeurs
France / 2006
22.11.2006
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A TOUT ROMPRE
"Il adore que vous renonciez, le diable."
S'il y avait une leçon à retenir de Cœurs, ce serait celle-là : il ne faut jamais renoncer. A améliorer les choses, à rencontrer l'amour, à repousser les limites de l'existence… ou surtout à tourner des films. On présume toujours de ce que les cinéastes cherchent à nous transmettre, et trop souvent on leur prête des intentions prémonitoires, aussi souhaitera-t-on en préambule à Resnais de vivre encore suffisamment longtemps pour nous combler à nouveau avec quelques-uns des chefs d'œuvre dont il a le secret. Toujours est-il que son dernier film a un petit quelque chose de testamentaire. Peut-être parce qu'il y est en permanence question de choses futiles et graves, tristes ou hilarantes qui ramènent irrésistiblement vers cette interrogation universelle : comment combler notre angoisse face à la mort ?
Pour quelques arpents de neige...
Le réalisateur retransmet merveilleusement bien à l'écran cette atmosphère des jours de neige et des paysages soudainement transformés par un étonnant manteau blanc. Ces jours où tout paraît feutré, des bruits de pas au son de notre voix, des rires qui sonnent comme des coâssements, des sanglots étouffés au milieu des flocons. Dans nos têtes, dans nos vies, dans nos cœurs, rien n'est pareil sous la neige. Et l'on se laisse aller à l'immobilisme de la froideur hivernale ou au contraire l'on se débat contre la glace qui, déjà, nous enserre. Tels sont les personnages du film, qui voient leur petite routine bien huilée soudainement bouleversée par une poignée de cristaux immaculés.
Qui sont-ils, au fond, ces personnages ? Un couple de fiancés mornes, lui désabusé, elle stressée, qui cherchent un appartement. Un agent immobilier qui vit avec sa sœur. Un barman dont le père est malade. Vous, moi, n'importe qui. Et c'est sans doute ce qui les rend si proches et si familiers. Du moins en apparence. Car à bien les regarder, on perçoit une zone d'ombre dans leurs vies si lisses. Le dialogue qui ouvre le film, entre Thierry et sa cliente Nicole, sonne faux, absurdement alambiqué. Le fou-rire quasi hystérique partagé par Thierry et Charlotte est outré, presque théâtral. L'enjouement des protagonistes semble à tout moment feint, artificiel.
Illusions et devoirs
Et le réalisateur ne s'y laisse pas prendre qui essaie de capter leur essence secrète en multipliant les gros plans ou les prises de vue inattendues, comme cette scène de dispute filmée par le dessus, donnant le sentiment de voir évoluer des cobayes dans un labyrinthe dont ils ne parviennent pas à trouver l'issue. Pour ajouter à ce sentiment, Alain Resnais sépare les personnages par des vitres, des cloisons, des parois qui sont autant d'obstacles à franchir. Ou pas. Et après s'être désespérément cognés, certains renoncent ou changent de stratégie. Car des stratégies, pour tromper sa peur de mourir, il y en a à foison, à croire que l'humanité ne travaille qu'à ça depuis ses débuts : l'illusion de l'amour, la quête du bonheur, la recherche du plaisir, le sens du devoir, l'espoir, la foi, l'oubli…
Mais l'impassible solitude revient s'abattre sur chacun sans faire de distinction. Quoi qu'il arrive, qui que l'on soit, on meurt absolument seul. D'où le ton à la fois extrêmement désespéré et foncièrement humoristique du film, qui convient parfaitement à l'état de l'être humain qui se sait mortel : la peur terrible d'en finir et en même temps une irrésistible envie de rire devant l'ironie de la vie. A quoi bon prendre le monde au sérieux quand il s'agit de le quitter ? C'est là que le personnage complexe d'Arthur prend toute son ampleur, lui qui est confronté aux deux extrêmes. Resnais lui autorise toutes les obscénités (ressort comique mêlé à une sorte d'effroi compassionnel) et lui offre même un réconfort puissant qui l'achève en même temps qu'il lui donne la dernière leçon. Ironie, toujours.
Car personnages, intrigues et chassés croisés ne prétendent apporter aucune solution à l'équation universelle. Ce sont des jalons, des esquisses de pistes, des clins d'œil et une invitation à continuer son chemin dans la vaste farce qu'est l'existence. L'essentiel, nous prouvent Thierry, Charlotte et les autres, n'est pas de réussir, mais d'essayer. Mieux vaut un peu de châleur humaine que rien du tout. Alors, tant qu'il y aura des films…
MpM
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