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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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The fountain
USA / 2006
27.12.2006
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N'OUBLIE PAS QUE TU VAS MOURIR
"La mort est une maladie qui doit être soignée"
C'est probablement une erreur d'avoir réduit The fountain à une simple histoire d'amour. L'amour, ici, joue un si petit rôle : un homme aime une femme à trois époques différentes, et la perd par trois fois. Certains n'y trouveront pas leur compte, c'est certain, car ils ne sont pas préparés au voyage sensoriel et spirituel qui les attend. Une expérience de celles qui laissent démuni et confus, tant elle submerge tout sur son passage.
Car Darren Aronofsky ne concède rien : ni la complexité du récit, ni les allers et retours déroutants entre les intrigues, ni la symbolique troublante qui enchevêtre inextricablement les trois époques jusqu'à n'en plus faire qu'une. Une alliance perdue dans les années 2000 peut réapparaître au XVIe siècle et l'encre achetée pour finir un roman peut servir à dessiner un étrange tatouage cinq siècles plus tard. Quant à l'amour, une fois offert, il ne cesse plus de brûler, peu importe sous quelle forme, et posant toujours la même question : comment ne pas perdre ce que l'on chérit le plus au monde ?
Dans ce qui semble être la scène clef de The fountain, revenant plusieurs fois au cours du film, Tommy préfère retourner travailler dans l'espoir de trouver un remède au cancer dont est atteinte sa femme plutôt que d'aller se promener avec elle. Il hypothèque le présent au profit d'un avenir incertain et douteux. Réflexe profondément humain dont il n'est pas en mesure de comprendre la vanité, pas plus que son double du XVIe siècle, soucieux d'offrir la vie éternelle à celle qu'il aime. Plus que l'amour, ici, c'est la manière dont nous menons nos existences qui est en jeu, ainsi que notre propension à nous préparer à être heureux sans jamais prendre le temps de l'être vraiment.
Mais Darren Aronofsky ne se contente pas de livrer une réflexion philosophique froide et lisse. Il incarne ses obsessions dans des personnages de chair et de sang lancés à toute vitesse dans la grande aventure de la vie. Rien n'est moins immobile et glacé que ces scènes de batailles brutales et sombres, ces moments oniriques qui nous emportent aux confins de l'espace ou encore ces séquences romantiques d'une simplicité désarmante. Le travail visuel effectué sur le film permet de compléter cette sensation de mouvement et de châleur grâce à une palette de couleurs volontairement limitée. Seuls les tons dorés et blancs apparaîssent à l'écran, créant des clairs–obscurs sublimes et des images d'une beauté à couper le souffle, notament dans les séquences mayas, où Tomas sort à plusieurs reprises de l'ombre pour se diriger vers une lumière éblouissante. Symbolique, bien sûr, mais surtout spectacle visuel tel qu'il nous permet d'abandonner nos dernières réticences pour se laisser dériver au fil des émotions réfléchies par le film.
On touche du doigt, alors, le véritable sujet de The fountain, pari insensé et quelque peu présomptueux : parler de la mort à une société qui la cache, qui la nie, qui prétend même soit la dépasser, soit l'annihiler. Et le tout sans croyance consolatrice, sans espoir toxique. Juste la vérité froide et nue : oui, nous mourrons tous. Il le faut et c'est inévitable. Et le pire de tout, ce qui probablement rendra le film injustement impopulaire, c’est qu’il ne donne aucune clef pour accepter plus facilement la vérité qu’il nous jette au visage. A chacun de suivre son propre cheminement. Il s'agit de regarder la vie en face durant deux heures, et de se faire peu à peu à l'idée que la mort n'en est qu'une des nombreuses facettes. MpM
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