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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Apocalypto
USA / 2006
10.01.2007
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LES MYSTERIEUSES CITES DE SANG
"Une grande civilisation n'est conquise de l'extérieur que si elle est détruite de l'intérieur."
Nul ne peut fuir sa destinée et il était probablement écrit qu'après avoir défrayé la chronique et engrangé quelques beaux paquets de dollars avec La passion du Christ, Mel Gibson, ex-acteur sexy et rebel, allait se lancer dans un film d'action mi contemplatif mi sanglant sur les peuples mayas. Bon, c'est vrai, à l'origine, il avait probablement prévu quelque chose de rythmé et d'aventureux, une sorte de Mad Max chez les Mayas. Mais à faire courir ses personnages dans les bois pendant une heure (alors qu'ils avaient déjà passé la quasi totalité de la précédente à marcher…), forcément il prend le risque de lasser un peu. Car un homme qui court, même à demi-nu, même bâti comme un Demi-Dieu, c'est vite répétitif. Et ce n'est pas le concept du mouvement incessant, consistant à multiplier les plans et les points de vue sur une même action, avec un effet stromboscopique très clipesque, qui change vraiment la donne. Certes, quand Patte de jaguar court dans la forêt, on peut le voir depuis une quantité d'angles vraiment impressionnante, mais ce n'est pas pour autant qu'il se passe plus de choses.
Heureusement, de temps en temps, le héros et ses poursuivants s'arrêtent de courir (ou de marcher) pour se battre. Il y a le premier combat (l'attaque du village) pendant lequel on échange joyeusement coups de massue et coups de couteau, tout en mettant le feu à la moitié des maisons. Délicat, Mel Gibson filme les visages déformés par la douleur, les cris d'horreur, les larmes d'angoisse, mais assez peu de sang. A plusieurs reprises, on se croirait presque dans un film de kung-fu avec options combat à mains nues ou armes contondantes. C'est joliment chorégraphié, plein de fougue, en un mot pas désagréable à regarder. Les pièges tendus par le héros à ses poursuivants sont également assez inventifs et pas trop révulsants (hormis la scène où le jaguar dévore l'un des guerriers holcane). Là où ça se gâte, c'est après le combat, lorsque le réalisateur filme les vaillants combattants ligottés et les corps des défunts. Les plans sur les regards effarés des adultes et les visages en larmes des enfants, en plus d'être interminables, sont d'une complaisance révoltante, de même que la scène où Patte de jaguar voit son père, égorgé sous ses yeux, qui n'en finit plus de mourir. Sans une goutte de sang mais avec force regards éloquents.
Cérémonial sacrificiel
Plus subtil, la manière dont Mel Gibson distille des éléments sociologiques et historiques, ainsi que d'éventuels parallèles avec notre époque. La longue marche des captifs vers la cité maya est ainsi l'occasion d'admirer le paysage où le réalisateur place quelques indices de la décadence de la civilisation maya (déforestation, constructions démesurées et arrogantes, épidémie, inégalités sociales perceptibles dans les vêtements et l'apparence des citadins…) ainsi que des plans très composés, très esthétiques, mettant en scène des ouvriers recouverts de poussière de chaux (donc entièrement blancs), des foules en liesse ou encore les suppliciés peints en bleu. C'est aussi l'occasion de constater que le peuple maya souffre surtout d'embrigadement religieux et de manque de compassion.
L'apogée du film (situé entre la marche triomphale des vainqueurs et la course victorieuse du vaincu) reste le moment du cérémonial sacrificiel, qui est particulièrement réussi. Le processus lui-même est relativement dédramatisé car on ne voit que des fragments du rituel et les têtes des victimes roulant le long des escaliers monumentaux sont filmées de très loin. Pour autant, la situation est loin d'être aseptisée. On sent l'horreur, la terreur et la folie ambiantes comme si l'on était à la place des condamnés. Et le seul discours du grand prêtre ("Les temps funestes sont sur nous. La terre a soif. Guerrier puissant et volontaire, par ton sang tu régénères le peuple") suffit à éclairer la situation d'un point de vue historique.
Dommage que cette séquence centrale laisse place à des scènes plus discutables comme la chasse à l'homme mettant violemment l'accent sur la cruauté des guerriers Holcane. La longue fuite de Patte de jaguar est prétexte aux rebondissements les plus divers qui vérifient les uns après les autres l'étrange prophétie déclamée par une fillette atteinte d'un mal incurable. Comme il se doit, la punition divine s'abat sur les méchants guerriers, sous une forme naturelle (un serpent, un jaguar, une mauvaise chute) ou à travers le bras vengeur de Patte de Jaguar, sorte de figure christique à la sauce maya (avec stigmates, sens du sacrifice et miracle inclus). Tous ces rebondissements seraient plaisants si certains ne frôlaient pas le grand guignol (mention spéciale à l'accouchement éclair de la femme du héros dans une fosse pleine d'eau) et surtout, surtout, s'ils n'étaient en permanence accompagnés par une musique psalmodiante d'inspiration maya susceptible de provoquer une crise de nerfs chez toute personne saine d'esprit. Reste le Deus ex machina final, assez savoureux quand on y réfléchit bien, et pas forcément innocent...
MpM
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