Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Bobby


USA / 2007

24.01.2007
 



THE WAR AT HOME





« - J’ai reçu des plaintes qui disent que vous ne laissez pas le personnel des cuisines aller voter aujourd’hui !
- Ils ne vont pas aller voter. La moitié d’entre eux sont dans l’illégalité, ils ne peuvent pas voter ! »


Avec Bobby, Emilio Estevez s’attaque à l’Histoire, et plus particulièrement celle d’un homme, Robert Kennedy, dans une nation brisée. L'acteur/scénariste/réalisateur fait alors le choix qui semble paradoxal en empruntant le chemin du film choral, hommage altmanien dans un huis-clos théâtral. Unité de lieu - un grand hôtel, une ville en soi - de temps - 24 heures chrono - mais multiplicité des visages et des destins.
Cette pluralité de voix donne la parole aux acteurs, pièce maîtresse de ce puzzle mélodramatique à suspens. Les dames - Sharon Stone, Demi Moore, Helen Hunt - ont des partition à leur mesure. Dignes femmes fragiles, fêlées, entre beauté évanescente et caractère friable. Surmonter la jeunesse qui s'en va, affronter des vérités douloureuses : elles ont le beau rôle et nous séduisent instantanément. Chaque acteur est une petite histoire. On retient ainsi quelques scènes, humainement ou cinématographiquement intenses. Comme cette confrontation entre Laurence Fishburne et Freddy Rodriguez, façon Collision sur un sujet comme le racisme, soulignant ce passage de relais choquant entre le Noir et le Mexicain, nouvelle tête de turc du WASP. Véritable révélation du film, Nick Cannon, très crédible dans son rôle de supporter, battant et passionné, incarne le visage optimiste de cette coexistence ethnique.
Les autres comédiens, Anthony Hopkins en sage méthodique, William H. Macy brillamment imparfait, Christian Slater en petit chef, Heather Graham en bimbo, tout le clan des jeunes supporters - sous acide ou très sérieux -... Ils composent tous une facette de l'Amérique de 1968, formant le visage d'un pays cosmopolite, contradictoire, inégal. Parfois cette masse surabondante finit par éclipser la trame principale. Le joli et touchant couple (Lindsay Lohan et Elijah Wood) est ainsi trop distincte du récit principal, sans le faire avancer. Trop sensible dans cette partie d'échecs brute.
Car Estevez nous captive davantage avec son propos politique qu'avec certaines déviations mièvres. 1968 n'était pas une année érotique mais révolutionnaire : de Prague (une journaliste tchèque intervient ici comme une piqûre de rappel) à Paris aux Etats Unis. Le réalisateur propose un film citoyen. Archétypes incarnés par des stars, confrontés à une situation réelle. Aussi le montage (réussi et cohérent) alterne intelligemment la fiction et le document (les allocutions de Robert Kennedy, les reportages de l'époque), sans jamais nuire à l'un ou à l'autre. Au contraire, Estevez démontre comment la possible victoire de "l'autre" Kennedy était vécue, voulue. Les petites histoires révèlent les problèmes de l'époque (les problèmes de l'immigration, des conflits raciaux, de la guerre du Vietnam, de la citoyenneté en général) et fournissent la légitimité des discours et des idées de cet éventuel candidat à la présidence des Etats-Unis. Cette pertinence, et l'écho qu'elle reproduit encore aujourd’hui, nous interpelle, nous interroge et donne un ton éminemment politique à cette première oeuvre. Vietnam - Irak même combat. La mixité des cultures contre le communautarisme. Le film aurait pu même être Français parfois. Nous sommes juste en Juin 1968, pas en mai.
Ce « aurait pu » dégage alors le sentiment essentiel de ce film : la tristesse, une forme de mélancolie, de nostalgie, d'amertume, de désenchantement. A l’image d’un destin tragique, avorté, explosé en plein vol. Un coup de feu symbolique, aussi inattendu que décalé, qui entraîne un pays (et ses habitants, égarés, hagards, choqués) vers son destin : la maladie ou la folie. On s'y complaît comme on se complaît dans l'alcool, on s'y embourbe comme on ne parvient pas à se libérer de ses chaînes.
Certains reprocheront que le final de Bobby s'inonde de larmes et d'émotion. Peut-être est-ce une catharsis nécessaire pour s'affranchir de cette époque révolue et regrettée. Le goût amer serait alors justifié. On s'attardera surtout sur l'épilogue plutôt gonflé : juste la voix, la parole, les mots d'un politicien brillant. Vous pouvez alors fermer les yeux et juste écouter ce qui y est dit. De quoi pleurer. De colère. Si cet Homme avait appliqué ce qu'il disait, l'Amérique n'aurait sans doute pas eu le même destin. En cela Bobby est définitivement altmanien avec sa dose d'immoralité et d'humanité, prouvant aussi notre impuissance face aux forces du hasard.
 
ninteen, v.

 
 
 
 

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