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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le Coût de la vie
France / 2003
30.07.03
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PETITES COUPURES
"- En amour, on est toujours seuls, mais pour faire l’amour il faut être deux."
Il est difficile de s’attaquer à un genre où les réalisateurs américains excellent. Car au delà du film choral, Le Coût de la vie (à ne pas confondre avec Le Coït de la vie) est une oeuvre puzzle, où les destins multiples ne se croisent qu’à certaines intersections ponctuelles.
Ambitieux programme, certes, mais, hélas, mal rythmé et surtout très inégal. Car Le Guay ne donne pas les mêmes chances à ses personnages. En se concentrant, au final, sur les deux extrêmes, Lindon le généreux et Luchini le radin, le réalisateur nous détache des autres, qui n’en deviennent que secondaires. C’est particulièrement frappant avec les jeunes (Deutsch, Le Besco) et le vieux (Rich), dont la présence s’amenuisent au fur et à mesure de l’histoire. Ce déséquilibre permet surtout de donner le beau rôle aux femmes, qui pourtant ne prennent de l’ampleur que tardivement.
Toutes ces tranches de vies - où interagit une huitaine de personnes - composent un portrait divertissant, mais sans plus, de nos contemporains et de leur rapport à l’argent. Comédie de moeurs typique où il ne se passe pas grand chose, nous observons la vie de consommateurs matérialistes et finalement très égoïstes. Pas un ne rachète l’autre.
Car dès la première image, nous avons la vision cynique de notre environnement qui pose le décor : un supermarché, une consommatrice, et sa carte de crédit. Notre vie repose sur les euros, les compteurs qui tournent, les factures, les additions. Tout a un Coût. Mais le plus intéressant derrière ce constat, c’est bien sûr que la vie, et non le fric, circule. Le fameux "L’argent ne fait pas le bonheur" est évidemment décliné à toutes les sauces, et sous toutes les formes de clichés (aucun ne nous est épargné). Quelle est la valeur des choses ? Quel est le prix à payer pour accéder à la félicité ? Toutes les théories sont expliquées. Puisque notre lien à l’argent nous définit tel que nous sommes, il était normal de faire appel à Freud. Grossièrement, presque. Luchini le radin en devient constipé. L’argent et la merde, attachement viscéral et psychologique expliqué il y a un siècle, archétype évitable dans un film qui ne cherche pas l’humour. Nous passons en revue toutes les possibilités : le gosse qui joue au Monopoly, la chômeuse prête à payer en nature, le SDF qui dort à côté d’un DAB... Dans ces moments-là, le film prend un visage plus social, plus riche aussi. Car ici on ne rit pas, on observe. On écoute aussi. Quelques répliques cyniques bien senties : "Les gens sont ravis de vivre comme des esclaves." Quelques idées tombent juste (le sexe comme contrat d’affaires, l'amant de l’huissier au resto, Lindon recevant une leçon de morale de son ancienne serveuse). Tous se la pètent snobs, frimeurs, dragueurs, et finalement tous sont paumés, prêts à tout pour sauver la face. Cela les rend tous misérables.
Mais certains s’en sortent mieux. Pas forcément dans l’histoire, mais grâce aux comédiens. Il faut voir le sourire extatique de Claude Rich devant les baigneuses de banlieue. Ou le charme vénéneux de Pailhas, dernière invitée de cette brochette de talents (on ne la voit qu’au bout de 3/4 d’heure) qui s'oppose au naturel généreux de Japy. Ou encore Lindon, dans son meilleur rôle depuis des lustres, avec ses marchands des halles, au comptoir, au petit matin. Un vrai Lindon, comme on a pu le voir dans un récent documentaire biographique, où il sympathise à la bonne franquette. On doutera davantage des prestations de Le Besco (qui sonne faux) et Luchini (qui fait du Luchini).
Si Le Guay a su mettre ce grisbi au c¦ur de nos vies, vecteur de drames, créateur de tragédies, apporteur de bonheurs, il a été moins précis avec ses personnages. Il insiste davantage - trop - sur les bourgeois et ne laisse que quelques séquences aux plus démunis et aux moins chanceux. Bien sûr, nous allons du bas en haut de l’échelle sociale, mais l’absence de jugement, de morale ou même de parti pris empêche l’oeuvre d’adhérer à un progrès quelconque sur une meilleure répartition des richesses.
L’épilogue où le radin donne à celui qui ne sait jamais recevoir nous permet juste de comprendre que la guérison est en marche. Et que tout cela n’est qu’affaire d’amour. Combien d’euros, l’amour ?
- Vincy vincy
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