Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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24 mesures


France / 2007

05.12.2007
 









Cinéma d’acteur
Les films réalisés par des comédiens constituent un genre cinématographique à part entière. Même maladroits dans leur propos, ils s’avèrent touchants, attachants car ils témoignent souvent d’une sincérité sans fard. Cette expression singulière dépourvue de calque (celui du réalisateur qui accompagne le comédien devant la caméra) puise sa résonance dans l’instinct inné du plateau que possède l’acteur. Instinct parfois plus aigu que celui de certains cinéastes réfugiés derrière le combo, donc isolés de l’aire de jeu lors des prises de vue...
Après avoir réalisé en l’an 2000 le court-métrage De retour, Jalil Lespert endosse les bottes de sept lieues, enfile un costard XXL avec son premier film long 24 mesures.

À l’heure du tournage, Jalil Lespert aborde cette phase de création avec un parti pris qui fait la part belle à ses interprètes. «L’enjeu pour moi était de définir l’écrin dans lequel pourrait surgir l’émotion des comédiens. J’ai souvent choisi de réaliser en plans séquences, d’abord pour les acteurs et parce qu’il est toujours très difficile pour eux de surdécouper tout en gardant une vraie cohérence. Le but n’est pas de chercher l’effet de mise de mise en scène, mais une émotion souvent forte.»

Benoît Magi(que)mel
La force des émotions est indéniable dans 24 mesures. Si une énergie des plus sombres ne cesse d’irriguer ses images, il manque hélas des plages d’accalmie pour donner le souffle, donc le relief nécessaire à cette œuvre qui traite du désarroi. Quelques maladresses plombent douloureusement le film :
- Chaque protagoniste souffre du manque de temps que lui accorde le film, et aucun ne suscite vraiment l’adhésion du spectateur.
- Les circonstances qui font se rencontrer les personnages sont toutes d’une grande violence. Cette répétition affaiblit la vraisemblance et l’intensité des télescopages.
- La fébrilité de la mise en scène et la force de destruction qui torturent les héros sont redondantes. La nervosité de la forme et les douleurs extrêmes évoquées dans le propos se superposent. Elles forment un paravent si tumultueux qu’il tient à distance le spectateur.

Heureusement, ce film est embelli de la richesse de sa distribution. Même s’ils sont mis en lumière d’une façon plus riche et nuancée chez André Téchiné, Lubna Azabal (Les temps qui changent) ici peroxydée empoigne son rôle à bras le corps et Sami Bouajila (Les témoins) évolue avec la grâce d’un funambule.
Deux perles rares scintillent aussi au second plan : Arshie Shepp le jazz-man et Marisa Berenson, tous deux forts de leur magnétisme d’icônes.
Mais avant tout, s’il faut aller voir 24 mesures, c’est pour admirer une fois encore la composition impeccable de Benoît Magimel. Viril et félin, d’un seul bloc et pourtant friable comme un château de sable, ce digne descendant de Jean Gabin et de d’Alain Delon brille comme un soleil noir à la lueur de la lune.
Le cinéma français a la chance de compter parmi ses rangs un acteur qui possède l’étoffe des plus grands. À coup sûr, Jean Renoir, Jean-Pierre Melville et Luchino Visconti l’auraient aimé…
 
benoît

 
 
 
 

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