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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Dark Blue
USA / 2003
20.08.03
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LAPD BLUES
"- Tu n’es pas là pour penser, mais pour obéir et exécuter."
À partir d’un fait divers qui conduira à des émeutes révolutionnaires à Los Angeles, Dark Blue est un jugement décalé sur une affaire ultramédiatisée, évidemment raciste, et révélant toute la fracture (sismique) entre une police fasciste et corrompue, trop puissante, et une communauté noire qui se sent toujours aussi méprisée par une civilisation qu’elle contribue à forger. Pour illustrer cette inéluctable descente aux enfers, la police de Los Angeles est symbolisée par un ange plus que déchu, incarné par un Kurt Russell, magnifique. Angoissé, déchiré, le regard forcément bleu, mais noyé, ce flic si représentatif des méthodes de son employeur, tel un Antechrist, essaie de trouver la voie de rédemption.
Car les flics sont au même niveau que les truands ; pire, ils truandent comme une vulgaire mafia. Voici un portrait sans concession d’une administration tyrannique et pourtant incapable de faire correctement son boulot durant un réel soulèvement, obsédée par la protection des siens plutôt que de comprendre les sentiments exacerbés de la population qu’elle doit protéger. Pour nous exposer cette tragédie très classique, Kurt Russell, entre bestialité et humanité, entre corruption et désobéissance, est entouré de personnages (excepté Gleeson, belle ordure) tous bien plus positifs, ouverts et déterminés que lui. Ces révélateurs - du candide prêt à faire changer les choses à sa femme qui le largue - permettront le réveil salutaire de ce qu’il y a de bon en lui. Il faut tout le talent d’un comédien comme Russell pour nous faire avaler cette évolution si peu évidente. La réalisation, trop banale pour un film qui aurait pu gagner en profondeur, en subtilité, a au moins l’humilité de s’effacer devant l’acteur. Témoin, cette séquence où Russell, comme un lion enragé, tourne dans sa cage le ghetto en feu à la poursuite de sa proie.
Alors, le film méritait en effet mieux qu’une bande sonore eighties un peu délavée et un effet spécial final complètement raté. D’autant qu’un scénario qui attaque frontalement un système judiciaire complice et expédiant deux innocents au cimetière valait bien une mis en scène digne d’un film noir. Ron Shelton, quand il veut, est inspiré : les scènes de pillage sont impressionnantes de sauvagerie. Et tandis que la ville s’embrase, le flic flambe de moins en moins, sombre et charismatique, à l’instar du récent rôle de Ray Liotta dans Narc. Il est frappant de voir la vision pessimiste qu’a le cinéma américain de ses autorités sécuritaires. Véritable western shakespearien, néanmoins très prévisible, nous observons le déclin d’une race (les WASP) qui ne veut pas voir les signes de son extinction. Mais, dans cette chute libre moralisatrice, ce qu’il faut retenir, ce sont les femmes : les épouses, celle du flic mais aussi celle de l’ambitieux Ving Rhames, la maîtresse du co-équipier. Elles ont toute une lumière, une lucidité, qui apportent au film quelques espoirs sur l’avenir de ces hommes, bien violents.
Et déjà en enfer : comment une si grande métropole peut plonger dans une guerre civile en quelques heures ? vincy
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