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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Un monde à nous
France / 2008
16.07.2008
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LEUR MONDE A EUX
« - tu as fait un bruit pas possible. Même l’inspecteur Clouzot il t’aurait trouvé. »
Se créer un cocon, un monde à part. Une bulle dans laquelle s’enfermer. Un petit coin pour se protéger. Un monde à nous en somme… C’est ce que désire concevoir Marc pour son fils, Noé, et lui-même. Le duo père/fils (Edouard Baer/Anton Balekdjian) cherche à tout prix à s’enfuir. Mais pour s’éloigner de qui ? De quoi ?
Le climat du film devient au fil du récit de plus en plus sombre, angoissant, alambiqué, plongeant le spectateur dans de nombreux recoins obscurs où la vérité se distingue mal du mensonge. Tout y est confus, embrouillé, à l’image de l’esprit des personnages.
Le scénario, plutôt soigné, joue sur le rebondissement, la surprise. Malgré une première partie traînant parfois en longueur, le film se rattrape par les sursauts de son récit et les longueurs sont rapidement oubliées, derrière nous. Les questions s’accumulent en même temps que le rythme s’accélère. Qui est ce père ? Qui veut sa peau et par là même celle de son fils ? Les nœuds se font et se défont. Le spectateur suit une piste, puis une autre, une autre encore. De plus en plus perdu, il finit par se laisser porter, arrête de se débattre et d’imaginer une suite.
Reposant sur ce scénario fort, le film est aussi porté par deux acteurs impressionnants. Edouard Baer revêt ici un rôle dans lequel on a peu l’habitude de le voir. Loin du dandy parisien qu’il incarne souvent, on le retrouve dans un rôle qui, à première vue, ne lui correspond guère. Et pourtant, il est bluffant. Transformé en père angoissé, toujours sur ses gardes, trimballant son fils de ville en ville pour ne pas être retrouvé et l’astreignant à un entraînement physique des plus poussés, Edouard Baer est très convaincant. Tout comme le personnage calculateur qu’il interprète, il ne laisse pas le spectateur entrer dans son esprit, efface les traces afin que personne ne retrouve la sienne.
Anton Balekdjian est également bouleversant. A la fois déroutant et émouvant, il réussit, du haut de son jeune âge et pour son premier film, parfaitement, ou presque, à se glisser dans la peau du petit Noé, enfant que l’angoisse et l’amour de son père a mis en marge. Noé ne ressemble en rien aux enfants de son âge. Il a leurs envies mais ne peut les assouvir. Sa mission est tout autre. Il doit s’écraser à l’école pour ne pas se faire remarquer et doit s’entraîner chaque jour, au cas où…Côté enfance toujours, la jeune Nassereba Keita (Marine) est rafraichissante et pleine de vie même si, malheureusement parfois, certains des dialogues qui lui sont prêtés se rapprochent un peu trop du cliché.
Thriller réussi gardant le spectateur en haleine et l’égarant souvent sur de fausses pistes, Un monde à nous est avant tout un drame. Un drame humain qui voit la complicité entre un père et son fils se transformer en un véritable affrontement. Noé découvre peu à peu, au contact des autres, qu’une autre vision des choses s’offre à lui. La toute confiance en son père s’effrite et l’enfant, perdu, ne sait plus à qui la donner.
La caméra nerveuse(à l'épaule) donne au film sa grande force : une belle image de réalisme. Le film n’en devient que plus fort et plus poignant. Et même si la fin, étonnante, aurait demandé un peu plus d’approfondissement, Un monde à nous regorge de talents et prouve que le cinéma français a encore de la ressource.
Morgane
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