Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Troupe d'élite


Brésil / 2007

03.09.2008
 



DELITEMENT





"On ne va pas dans la favela pour mourir mais pour tuer"

Il faut un certain angélisme, à moins qu’il ne s’agisse d’hypocrisie, pour accuser José Padilha de soutenir l’idéologie nauséabonde dénoncée par son film. Ce qu’il montre, crûment, et sans retenue politiquement correcte, c’est une situation devenue si intenable et incontrôlable que plus personne ne peut prétendre avoir une réponse adéquat. Chaque personnage du film (dealer, policier corrompu, policier intègre, membre du BOPE, étudiant, habitant des favelas) est face à une alternative impossible que l’on peut résumer froidement par survivre ou mourir. Les plus intègres, ceux qui refusent de choisir entre corruption et violence, finissent soit par y laisser leur vie, soit par se radicaliser, et dans les deux cas continuent d’entretenir le système.

La société brésilienne, telle que décortiquée par le film, ne fonctionne en effet que sur le mode de la surenchère de violence. Surenchère qui, arrivée à son apogée, crée exactement le genre de situation décrite par Padilha : sans retour et échappant à tout contrôle. Beaucoup moins facile, lorsqu’on est aux prises avec une telle réalité, de s’ériger en donneur de leçon. C’est pourquoi le réalisateur se garde bien de justifier quoi que ce soit. Très habile pour rendre un à un chacun de ses "héros" potentiels antipathique et monstrueux, il dénonce en bloc leur ligne de conduite et les excuses qu’ils se trouvent. Il analyse en profondeur les rouages du système, montrant qu’il s’agit d’un infernal cercle vicieux dans lequel chacun a sa part de responsabilité : la corruption au cœur de la police amène les flics intègres à commettre eux-mêmes des actes illégaux pour pouvoir appliquer la loi, la main mise des cartels de la drogue sur la favella contraint les associations humanitaires à traiter avec les caïds locaux, l’isolement du BOPE, qui est le seul à pouvoir entrer dans les favellas, fait de ses membres une élite messianique se croyant tout autorisé, la consommation de drogue fun et sans conséquence prônée par une certaine bourgeoisie renforce le pouvoir des trafiquants, etc. Bien loin d’offrir une solution miracle pour enrayer l’accablant processus (qu’il s’agisse d’une solution autoritaire comme certains ont cru le comprendre, ou d’une solution naïve basée sur de simples mesures sociales), Padilha montre que les réponses classiques ne fonctionnent pas et qu’une telle situation n’appelle rien d’autre qu’une réforme en profondeur de la société brésilienne.

Du coup, difficile de comprendre d’où est venue la fameuse polémique initiée avant même la sortie du film et relancée lors de sa présentation berlinoise… à moins qu’il ne s’agisse d’un leurre. Ce que l’on reproche peut-être à José Padilha, à mots voilés, et sous couvert d’apologie fascisante, c’est d’offrir comme écrin à un tel propos un montage survitaminé et un ton très narratif (dû à une voix-off omniprésente), presque tape à l’œil, et en tout cas beaucoup trop brillant et divertissant pour ne pas sembler suspect. Il n’y a qu’à voir, a contrario, l’accueil dithyrambique fait au très ennuyeux Gomorra qui, dans la même optique, essaie de décortiquer les rouages de la mafia napolitaine, mais avec une intrigue minimaliste et un refus de toute narration choc. De son côté, Padilha a eu envie d’allier dénonciation politique et cinéma de divertissement, non sans une pincée d’esbroufe stylistique facile, d’ailleurs. Mais bien lui en a pris puisque Troupes d’élite s’avère aussi passionnant qu’instructif, flattant à la fois le plaisir (coupable ?) du spectateur et sa capacité de réflexion.
 
MpM

 
 
 
 

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