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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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La belle personne
France / 2008
17.09.2008
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LES CHANSONS AMERES
"S’aimer, c’est s’aimer pour un certain temps "
Adhérer à la démarche de Christophe Honoré, qui transpose l’intrigue de la Princesse de Clèves à notre époque, a quelque chose d’une résistance : oui, on veut croire que cette œuvre, comme nombre de classiques de la littérature internationale, est atemporelle et peut encore aujourd’hui avoir quelque chose à nous apprendre sur nous-mêmes. D’autant que, fort habilement, le réalisateur a choisi le milieu scolaire (un lycée parisien) et le monde clos d’une bande de copains de classe pour figurer la Cour du roman de Madame de Lafayette. Quel lieu actuel est aussi codifié, plein de connections plus ou moins secrètes, de rancœurs tenaces et d’émotions exacerbées ? L’adolescence est le sujet d’étude idéale quand il s’agit d’absolu, de sentiments violents et de décisions radicales. C’est pourquoi on peut croire à ce petit théâtre urbain où les héros se prénomment Junie et Otto, mais se perdent dans le RER et filent fumer une cigarette dans le café du coin.
Christophe Honoré, surtout, a le sens du vrai tragique, celui qui s’annonce implacablement dès les premières minutes de l’histoire, et progresse pourtant avec une légèreté presque bravache. Entre un éclat de rire et une chanson, les masques se figent, tombent parfois, les apparences volent en mille morceaux, les amours se fissurent, et rien n’a jamais d’importance. Ou plutôt : tout prend tellement d’ampleur qu’au final, les secrets les plus insignifiants se confondent avec les trahisons les plus amères. L’espace de quelques heures, rien ne compte plus que de remettre la main sur une lettre d’amour compromettante… et le jour suivant, tout est oublié. C’est dans l’instant que se joue l’essentiel de ces vies bouillonnantes : alors à quoi bon prêter attention aux oiseaux de mauvais augure ?
Dans ce monde en constance ébullition, quelques âmes plus pures, ou se croyant comme telles, aspirent au contraire à la constance et à la quiétude. Ainsi sont, chacun à leur manière, le doux Otto et la rêveuse Junie, qui promettent ce qu’ils ne pourront pas tenir. Dès lors, le nœud est fait qui scelle leurs destins et c’est précisément dans cette seconde partie que le film devient plus difficile à appréhender. On comprend les émotions extrêmes qui bouleversent Otto et le poussent à des actes irréparables, mais Junie nous reste totalement opaque, comme irréelle. Interprétée avec une apathie affectée par une Lea Seydoux ectoplasmique, la princesse devient un mur qui contient tant ses sentiments qu’elle en semble tout simplement dépourvue. Cette maîtrise qu’elle s’impose en toutes choses la déconnecte de la réalité, et rend difficile toute identification. De ses sentiments réels et de ses motivations intimes, on ne connait finalement que le peu qu’on devine. Pas sûr que cette manière un peu cavalière de survoler les enjeux profonds de l’intrigue soit le meilleur hommage qu’on puisse lui rendre. Car des angoisses ô combien contemporaines de Junie (les plus belles choses partent en lambeaux dès qu’on les touche, aussi pour préserver un amour pur et absolu, il faut ne surtout pas risquer de le gâcher en le consommant), on risque de ne retenir qu’un caprice d’enfant trop gâtée, une inconstance de jeune fille craintive.
MpM
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