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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Max Payne
USA / 2008
12.05.2008
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LA VENGEANCE DANS LA PEAU
"Je ne crois pas au paradis. Je crois à la douleur. Je crois à la mort."
Pourquoi aime-t-on les films d’action ? Quel plaisir prend-on à ces histoires toujours plus ou moins bâties sur le même modèle, où un héros solitaire et abîmé par la vie, mais au cœur pur, se bat, la plupart du temps l’arme au poing, pour la vérité et la justice ? Qu’est-ce qui entraîne des individus plutôt pacifiques, voire hostiles à toute forme de violence, à se délecter de fusillades au gros calibre, de vitres qui volent en éclat, de corps qui s’effondrent ?
Si l’on se pose ces questions précisément devant Max Payne, cela n’est pas dû au hasard, mais bien à l’origine de ce film inspiré d’un jeu vidéo novateur pour son époque, où le joueur pouvait être à la fois le héros et le spectateur des actions, dans un mode très cinématographique, grâce à la fameuse fonction "bullet time". En jouant, le gamer se retrouvait donc projeté dans des images où, d’ordinaire, il n’avait aucune prise. Et voilà que des années plus tard, le processus s’inverse à nouveau pour proposer une aventure de Max Payne dans laquelle, justement, le spectateur n’est plus du tout en contrôle. Fatalement, le risque était gros de faire perdre toute saveur à ce qui ne devenait alors qu’une redite d’une histoire non pas connue, mais déjà vécue. D’où l’absolue nécessité, pour le réalisateur John Moore et son scénariste Beau Thorne, de revenir aux origines du polar et retrouver ce qui en fait l’essence-même, ce mélange de jubilation et d’adrénaline, d’identification et de catharsis, d’attraction et de répulsion – et donc de fascination - qui emporte l’adhésion.
Pas assez original pour se singulariser
Passons donc sur l’histoire, plus ou moins imposée par la franchise, et globalement dépourvue de toute marque d’originalité (le film se contente d’aligner les procédés habituels du genre : la vengeance, le héros solitaire, les accusations injustes, les trahisons cruelles, sans oublier les flashbacks mélodramatiques…), pour se concentrer sur les choix formels de Moore. Esthétiquement, le réalisateur recycle habilement près d’un siècle de film noir : jeu de contrastes et de clair-obscur, teintes désaturées, images monochromes avec juste des tâches de couleur… on pense même à Sin city et aux éclairages de l’expressionisme allemand. Début on ne peut plus prometteur, qui annonce une œuvre crépusculaire et torturée dont on n’est pas bien sûr qu’elle voit le triomphe du Bien. Et puis, petit à petit, ça dérape. Oh, ce n’est pas la faute de Mark Wahlberg, mâchoire serré et air mutique, qui apporte ce qu’il peut de relief et de profondeur à son personnage de justicier-zombie. Pas plus celle de ses partenaires, successivement Olga Kurylenko (la nouvelle James Bond girl) en potiche grossièrement sexy, et Mila Kunis en tueuse glaçante, qui représentent la nécessaire touche glamour, à défaut d’un véritable enjeu.
Il y a juste que passées les scènes d’exposition rapides et plutôt réussies, le film s’avère moins âpre, moins rythmé que ce que l’on attend d’une aventure de Max Payne. Les fameuses scènes d’action sont par exemple loin d’être aussi exceptionnelles que celles d’un James Bond ou d’un Jason Bourne (la trilogie de La mémoire dans la peau), et même l’utilisation des ralentis et d’une nouvelle version du "bullet time", censées rappeler le jeu vidéo, a un côté maniéré, lyrique, qui parasite la force dramatique du récit brut et épuré. Un peu mou, pas assez fluide. Déjà vu. Même la fantasmagorie liée aux éléments surnaturels de l’intrigue (les Valkyries, anges de la mort aux ailes interminables, qui donnent lieu aux plus belles scènes du film) n’est pas réellement exploitée. Peut-être fallait-il oser des séquences plus envoûtantes encore dans ce no man’s land entre rêve et réalité, avec un enjeu mieux dessiné, et moins de zones d’ombre dans les détails.
Alors oui, ce Max Payne est efficace, bien léché et pas trop mal ficelé (à condition de ne pas y regarder de trop près), et probablement remplira-t-il même honorablement sa fonction de simple divertissement. Mais il est dénué de ce petit supplément d’intensité qui fait la différence entre un film d’action au kilomètre et une œuvre noire ambivalente. Pas de sentiment cathartique, peu de jubilation, à peine une légère fascination : ce n’est encore pas avec ce film que l’on touchera du doigt l’essence inimitable du polar absolu.
MpM
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