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UNE JOURNEE AU MUSEE
«- La perspective est nuisible à l’Homme. The Perspective is bad for human being. »
Il ne faut pas bouder son plaisir devant cette toile. Malgré les défauts inhérents au genre – l’adaptation théâtrale, les 120 protagonistes tenus par un fil conducteur assez mince – Musée Haut Musée Bas est une œuvre où l’humour acide et le regard impertinent de Jean-Michel Ribes se déploient pour la première fois avec cohérence en images.
Evidemment, on y reconnaît son écriture télévisuelle (Palace, version luxe, dont on croise beaucoup de personnages), et surtout la pièce d’origine (voir notre critique à l’époque). Ribes a surtout disposé de moyens suffisant pour rendre sa visite au Musée cinématographiquement à la hauteur. A la manière d’un Resnais, il a utilisé des décors artificiels et des situations qui n’ont rien de naturelles. Le cinéaste propose un discours, assez jouissif, pas une histoire. D’ailleurs, la seule partie narrative du film, cette invasion de la Nature dans le temple de la Culture, autrement dit l’éternelle guerre entre le primitif et le civilisé, l’original et la copie, est trop maladroite pour nous emballer dans ce délire végétal. Mieux vaut revoir La petite boutique des horreurs…
La culture est un produit qui dérive
En revanche, l’incisivité du propos ne perd pas en intensité entre la pièce de théâtre et le film. Maîtrisant parfaitement l’absurde qui forge son écriture, Ribes l’amplifie avec une vision peu emphatique du tourisme de masse, de la culture démocratisée, de cet art décliné en produits dérivés et tête de gondole. Cette utopie du « Tous ensemble » dans un huis-clos monumental trouve ainsi ses limites dans l’individualité des goûts et des couleurs… L’art est notre affaire.
Le portrait des ouailles, ici une pléiade de vedettes se mélange à sa troupe fidèle de comédiens, des gens souvent énervés, stressés ou complètement barrés, offre aussi un moyen d’identification assez facile, qui permet de ne pas se laisser distraire, en l’absence de scénario véritablement vertébré. Certaines séquences trop longues rendent parfois le rythme bancal au milieu de ce tourbillon de l’avis, pourtant souvent frénétique. Entre ignorance et snobisme, beaufitude et fanatisme, le spectateur se reconnaîtra dans les amateurs de Picasso, des impressionnistes, de Velasquez, de Kandinski (même si on le cherche)… de tous ces noms devenus marques de parkings, d’assureurs, de voitures.
Période classique, influencé par Resnais
Le divertissement, lui, ne manque pas son rendez-vous grâce à des citations qui risquent de devenir cultes (voir buzz). Caustique et parfois cynique, Ribes ose transgresser quelques tabous sur l’immigration, le moralisme, les conditions de travail… Cela reste « soft » et il préfère se moquer de ces musées épuisants, immenses, industriels, des ministres incompétents (formidable Dussollier), des expositions invraisemblables (350 braquemarts ou nains de jardins).
Derrière toute cette potacherie, assez cocasse, cabotinant de bonnes répliques en joutes artistiques, l’auteur explique que la culture prend l’eau, que le navire va couler. Simple radeau (de la méduse) où on ne sauvera que l’essentiel : le rapport aux autres. Film relationnel, il permet aux gens de partager, d’échanger, à l’Homme de s’inscrire dans une Histoire, qui va de Lascaux à Pollock. Notre drogue patrimoniale nous permet de nous évader, de nous retrouver. Mais la culture est en danger, est-elle même sauvable à force d’être vitrifiée sur des murs ? Paradoxalement Musée haut Musée bas, spectacle vivant à la base, film vivifiant désormais, n’essaie pas d’expérimenter un quelconque formalisme original ou audacieux, d’être un objet d’art. Classique, le film évoque une nécessaire Renaissance, un sursaut créatif.
Triste constat contemporain, où Ribes, né de Queneau, Oulipo et Vian, confirme notre décadence occidentale et culturelle. Parlez-moi du déluge. Dans cette apocalypse joyeuse, en haut, en bas, la culture reste fragile. Ce film s’avère salutaire. Ce qui le rend sympathique.
vincy
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