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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Le plaisir de chanter
France / 2008
26.11.2008
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LE BONHEUR EST DANS LE CHANT
Il court, il court le Mc Guffin à la Hitchcock. La clef de Notorious se balade de film en film. Dans Rois et Reine, Arnaud Depleschin en fait une copie fidèle pour ouvrir le cabinet à pharmacie de l’hôpital psychiatrique. Ici, Ilan Duran Cohen et son co-scénariste Philippe Lasry la transforment en clef… USB d’un trafiquant d’uranium assassiné. Muriel (Marina Foïs) et Philippe (Lorànt Deutsch), deux agents des Services secrets se lancent à la poursuite du gadget informatique volatilisé ou peut-être dissimulé par Constance (Jeanne Balibar), la veuve du défunt…
Espions mais pas trop
Amateurs de films d’espionnage au scénario réglé comme du papier à musique, passez votre chemin. Le plaisir de chanter n’a que faire de son postulat de suspense. Cette œuvre préfère dissiper son intrigue par une galerie de jeunes adultes réunis dans un cours de chant lyrique, poumon et c(h)œur de l’enquête.
Ces voi(x)es emmêlées et toutes pénétrables sexuellement traitent de la perte, de l’innocence perdue de la jeunesse, de l’isolement urbain, des aspirations étouffées par le jeu des apparences. La symbolique du Mc Guffin est à ce titre édifiante car, de nos jours, égarer sa clef USB revient à livrer son jardin secret à celui ou à celle qui la trouvera.
Dans une volonté de contrepoids, cette comédie anti-romantique, mais pro désir explore la découverte de son intimité et des quiproquos corporels qui en résultent. Lieu idéal de "re-connaissance", donc de "re-naissance", le cours de chant invite à la révélation de sa voix la plus juste, à l’élimination des pelures du paraître, à l’acceptation de son âme toute nue.
Jeanne la folle
Depuis La confusion des genres, Ilan Duran Cohen, réalisateur et romancier, s’y entend pour tresser la légèreté du divertissement, la profondeur de la réflexion et l’effeuillement physique et mental de ses personnages ambivalents.
Même si le scénario s’éparpille et qu’il aurait fallu peut-être situer en province cette comédie (trop ?) "parigo-bobo", le troisième long-métrage de Cohen fait du bien à voir pour son chahut désinvolte et son désenchantement délicieux. Traités à la même enseigne, les comédiens professionnels ou non excellent car tous – le jeu de mot est facile, mais là il s’impose – chantent une même petite musique qui évolue entre frivolité et gravité :
Marina Foïs et Lorànt Deutch campent un couple d’espions qui couche malgré leur éthique professionnelle. Pieds nickelés empêtrés dans leur romance, ils sont las d’exercer leur métier. Marina Foïs possède un regard d’abattoir lorsqu’elle prend conscience qu’elle n’a jamais été enceinte de sa vie. Lorànt Deutch, le moins à l’aise de la bande, fait pourtant preuve de courage en se lançant dans cette aventure car Cohen, depuis le téléfilm Les amants du Flore où il incarnait Sartre, le force à moins cabotiner et à accepter son corps qui retient l’enfance.
On ne dira jamais combien Dominique Reymond, patronne des Services secrets en perpétuel transit dans les aéroports qui ordonne de "liquider" à tout bout de champ, est une comédienne impeccable de rigueur et de nuance. Idem pour la trop rare Nathalie Richard, fille spirituelle de Delphine Seyrig au jeu aussi précis qu’éthéré. Sans oublier Evelyne Kirschenbaum en professeur de chant et mère castratrice, Guillaume Quatravaux, dessinateur de BD dans la vie et fils émasculé à la voix d’or dans le film ainsi que Frédéric Karakozian, bear énigmatique coincé entre la pilosité de Jean Yanne et celle de King Kong !
Les prix suprêmes d’interprétation reviennent à Julien Baumgartner, petite pute désemparée. Presque toujours à poil dans le film, il sait, dans un tour de force inouï, faire oublier sa nudité en s’apitoyant comme une biche sur le temps qui passe, en pleurant lorsqu’il se rend à l’amour, en se masturbant sur sa voix de ténor ou en offrant, lors d’un premier rendez-vous, le trou de son derrière à une Marina Foïs médusée.
Enfin, il y a Jeanne. Jeanne la manipulatrice qui joue à la nunuche à moins que ce ne soit l’inverse. Jeanne qui chante de l’opéra alors qu’elle ne rêve que de variété. Jeanne lasse des hommes qui se tape des filles. Jeanne qui rit et Jeanne qui pleure. Jeanne l’évanescente. Jeanne la troublante. Jeanne l’exaltée. Jeanne la barrée. Jeanne la folle dont le nom, condensé d’Ali Baba et de Zanzibar, sonne comme une promesse de bonheur unique, à part : JEANNE BALIBAR !
Benoit
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