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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Erin Brockovich
USA / 2000
26.04.00
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LE GOÛT DES AUTRES
"- J'ai été élue Miss Wichita,, c'est pas rien, merde!"
Erin Brockovich est une oeuvre intelligente et mature. Elle arrive 11 ans après le premier film (et Palme d'Or) de Soderbergh, 10 ans après Pretty Woman. Une décennie pour que le cinéaste comme la star trouvent leur voie, cherchent leur harmonie, et touchent les spectateurs avec leur propre style. Soderbergh en faisant du cinéma expérimental, puis des polars, est enfin parvenu à séduire avec un ton à part. Roberts est devenue l'actrice la mieux payée du monde, la plus populaire. Au delà de cette combinaison chimique, où l'un trouve son sujet le plus grand public, et l'autre son rôle le plus aboutit et le plus subtil, Erin Brockovich est un très bon film parce qu'il mélange un sujet politico-social puissant et un scénario constamment divertissant. Ni ennuyeux, ni badin, le film est une réussite car il ne renie aucunement l'originalité de son auteur, ni le charisme de son actrice.
En racontant 3 histoires différentes - la vie d'une mère célibataire, la relation employeur/employé, l'enquête sur le scandale de la pollution de l'eau - Erin Brockovich érige un portrait nuancé (entre gris clair et gris foncé) d'une Amérique piégée par son système. Le social et le médical (dans les revendications comme dans la plainte juridique) sont omniprésents et au coeur des avantages à acquérir. Les avocats sont des intermédiaires (faillibles) obligatoires. Et les millions de dollars ne soigneront pas les cancers et autres maladies virales.
Ce chrome qui empoisonne la vie de citoyens qui n'ont rien demandé peut être remplacé par d'autres catastrophes du même genre : Bhopal, Tchernobyl, le Danube au début de l'année, ou encore le sang contaminé. En cela, le sujet est assez universel, et très contemporain.
Mais la force de Soderbergh est bien d'équilibrer les 3 histoires; porté par une actrice au tempérament unique, le rôle-titre est d'une richesse admirable. En mère, en travailleuse ou en défenseuse d'une cause a priori perdue, Julia Roberts, par un jeu de bouche, un naturel ravageur, une démarche de girafe et un sens inné du mélo, nous guide à travers cette investigation qui transforme son personnage. Magnifique rôle de femme-col bleue. En plaçant ses fondus au noir après les scènes clés d'émotion, Soderbergh prend le point de vue d'insister sur les combats qu'elle perd (sa vie privée) au profit des batailles qu'elle gagne (sa vie professionnelle). D'ailleurs, si elle acquiert tardivement le pardon de son fils, elle remporte surtout le respect de son patron.
Attardons-nous un peu sur ce fantastique duo où Julia joue au chat et à la souris avec le vénérable Albert Finney. Imaginez que cet acteur a donné la réplique à Audrey Hepburn! Avec la même fantaisie, la même jeunesse, l'acteur abat son brio et sa classe et, en compagnie de sa partenaire, nous livre une interprétation "jubilatoire", pleine d'humour et d'humanité, où chacun prend le temps de s'apprivoiser.
Soderbergh n' a jamais été aussi bon. Dans une ambiance Rythm n'blues, très prolo, il surexpose et délave ses couleurs, donne un air seventies à un LA de briques et de poussières (qui rappelle le LA de The Limey), limite banlieue sordide et industrielle. Il démythifie la ville des Anges, et Julia Roberts par la même occaze.
Un montage parfait et une direction d'acteur irréprochable font du réalisateur l'un des meilleurs d'Hollywood à ce jour. Il le prouve avec une ouverture choc (un accident de voiture soudain) et un final subtil (un écho direct à Working girl...).
Il avait juste envie de montrer une femme qui se bat... pour elle et ses concitoyens. Un bel exemple de solidarité; une envie de se bouger le cul (qu'elle a fort joli) salutaire. Il avait juste envie de montrer qu'ensemble, l'horreur économique n'était pas une fatalité ; il avait juste envie de montrer qu'une paire de nichons pouvaient faire avancer le monde, bien plus q'une arme ou du fric.
Désormais les femmes, les Norma Rae ou autres Jane Fonda (Stanley and Iris, 9 to 5) ne se battent plus pour leur droit à l'égalité mais pour les autres. Les temps changent. vincy
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