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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Mammuth
France / 2009
21.04.2010
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PAPY FAIT DE LA RESISTANCE
"Désolée… nous, on n’aura pas de retraite."
Déjà il y a le plaisir de voir Gérard Depardieu avec une improbable crinière blonde qui n’est pas sans évoquer celle de Mickey Rourke dans The wrestler. Comme l’acteur américain et son personnage de vieux catcheur au bout du rouleau, notre Gérard national a trouvé avec Mammuth un rôle à sa démesure. En s’en remettant au duo Delépine-Kervern, en s’abandonnant à leur univers, il redevient instantanément celui que l’on a tant aimé chez Bertrand Blier, il y a une éternité de cela : un acteur bourré de talent et capable de tout jouer. Il donne donc à Serge Pilardosse plus qu’une enveloppe corporelle, une véritable stature. Et tout fonctionne : la prestance physique, la naïveté presque enfantine, l’énergie consciencieuse. On croit à cet homme lancé dans un road-movie à la fois dérisoire et touchant.
Les road-movies, Benoit Delépine et Gustave Kervern semblent aimer ça. Dans leur précédent film, Louise Michel, Yolande Moreau et Bouli Lanners partaient eux-aussi sur les routes, à la recherche du "patron" à tuer. Et, en chemin, décortiquaient le drame du monde économique actuel : en guise de patron, il n’y a guère plus que des fonds de pension aux îles Caïman. Personne sur qui se défouler, donc. Avec Mammuth, il s’agit cette fois du tour de France de la précarité (videur, forain, fossoyeur… notre valeureux Serge a fait tous les petits boulots du monde) avec en ligne de mire, un avenir meilleur. Pas luxueux, non, mais au moins confortable : en échange de toutes ces années de labeur, la fameuse Retraite tant vantée.
Mais dans notre charmant pays, on n’obtient jamais rien gratuitement. Et sa retraite, à Serge Pilardosse, on est prêt à la lui faire payer grassement. Ce n’est pas le tout d’avoir travaillé sans discontinuer pendant plus de quarante ans, encore faut-il le prouver, peu importe par quels moyens. Heureusement, les deux réalisateurs manient mieux le vitriol que les violons, ce qui nous évite toute tentation misérabiliste. Si l’on pleure devant l’écran, c’est de rire (ce serait trop bête de déflorer les gags, mais sachez que ces deux-là sont les rois du comique de situation) et parfois de rage, devant le portrait peu glorieux que Mammuth fait de la France. Mais devant tant d’audace, de fantaisie et d’intelligence, on sèche bien vite ses larmes. D’autant que tout n’est pas dénué d’espoir. A défaut d’argent et de bonheur matériel, il restera toujours la poésie, l’amitié et les souvenirs du passé.
Alors, même si Louise Michel avait mis la barre très haut et reste de ce fait inégalé, même si Mammuth s’essouffle dans sa seconde partie, même si tout n’est pas absolument aussi décapant et efficace qu’on l’aurait souhaité, ce nouvel opus de Kervern et Delépine remonte à lui tout seul (ou presque) le niveau du cinéma français actuel. Il fait tellement de bien qu’il devrait être prescrit à haute dose jusque dans les plus hautes sphères, surtout en ces périodes de débat sur la réforme des retraites.
MpM
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