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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Fight Club
USA / 1999
10.11.99
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PROJET K.O.
"- Tyler dit : les choses que tu possèdes finissent par te posséder. C'est seulement après avoir tout perdu que tu es libre de faire ce dont tu as envie. Le Fight Club t'offre cette liberté.
Première règle du Fight Club : Tu ne parles pas du Fight Club. Deuxième règle du Fight Club : Tu ne parles pas du Fight Club. Tyler dit que chercher à s'améliorer, c'est rien que de la branlette. Tyler dit que l'autodestruction est sans doute la réponse. "
Fight Club laissera certainement des critiques et une grande partie du public sur le carreau. On comprendra que ce nouvel opus de Fincher dérange. Un film aussi provocateur et lucide ne peut laisser indifférent. Cependant, il faut déjà adhérer au point de vue du cinéaste pour pouvoir accepter (endurer) la violence (plus illustrative que vibrante).
Par conséquent, Fight Club est avant tout un pamphlet sur notre société occidentale et un reflet, voire une réflexion, de l'identité masculine contemporraine. Dans les deux cas, il s'agit d'une remise en question.
Tout y passe : Ikea, Calvin Klein, les cartes de crédit, ... tous ces symboles de notre existence moderne desquels on dépends à force de les posséder. On nous montre des vies photocopiées, réglées selon des critères, des valeurs, des aspects extérieurs qui nous définissent. Ce conditionnement (par des multinationales) est la véritable cible du scénario, avec parfois une certaine dose d'humour. Il amène une volonté de rébellion. Le Chaos. Les Big Brothers en puissance doivent être détruits, et ainsi nous retrouverons une certaine liberté. Cyniquement, Fincher fait naître cette détermination à s'en échapper dans l'insomnie de son héros; l'incapacité de dormir, d'être soi, cette soumission à une prison virtuelle, ce devoir de ressembler aux autres, cette aspiration à avoir une image étiquettée... Il fréquente alors, sans être concerné, des groupes d'anomnymes, parfaits centre de thérapie collective pour l'homo urbanus solitaire et paumé.
Le manque de sommeil perturbait déjà les protagonistes de ses précedents films. Et tout comme eux, Jack est timbré. Il y a un véritable dédoublement de personnalité. La société nous rend schyzophrène, et les rêves qu'elle nous vend ne correspondant aucunement à la réalité, nous finissons déçus et désespérés. Ce film c'est l'apologie du désespoir de nos temps modernes, avec la noirceur et la violence propres aux films américains.
L'autre aspect, parallèle, du film c'est le mâle. Cet être fragile qui ne sait plus où il en est après 30 ans de féminisme, une prise de conscience de sa sensibilité, et une déresponsabilisation totale. Bref le mâle n'a plus de couilles.
Très perturbant. Et là the Fight Club ne fait pas dans le délicat. Le club en question vante le combat physique, saignant, dents en moins. Il sera suivi d'un Projet Chaos regroupant des soldats (terroristes) formés pour le combat final. Bref l'homme est tellement conditionné, qu'il passe de la domination économique (les marques, les franchises, les dollars à dépenser, la possession de biens) à l'obéissance idéologique. Chemises noires, muscles saillants, souffrances bienfaitrices, crânes rasés... on célèbre l'Homme Nouveau, un fascisme en guise de révolution. Le besoin d'un chef (voire d'un mythe-leader, ici un cinglé de première) offre une opportunité de montrer que l'anarchie ne conduit nulle part.
Il n'y a donc plus d'espoir entre ces deux voies : la société dans laquelle nous vivons, et la révolution qu'il faudrait. Fight Club c'est Sparte et son régime absurde, c'est le déclin d'une civilisation surdouée mais inhumaine.
Artistiquement, les effets spéciaux sont saisissants, l'interprétation des acteurs contractuellement réussie, et la voix off bien utilisée. Dommage que le scénario se fourvoit un peu et rallonge inutilement le film, que certains combats soient filmés avec aussi peu de tripes, et surtout qu'il y ait cette malheureuse référence de savon sorti des usines à graisse.
Fincher aurai pu être un peu plus clair sur sa manière de critiquer le groupuscule et ses méthodes afin de s'éviter des interprétations hasardeuses et polémistes.
En se mettant du côté de la base (ouvriers, serveurs, cols bleurs, cadres moyens, ... ), en détruisant le "beau" (selon les repères publicitaires), The Fight Club démontre le malaise de l'homme occidental, l'aliénation dans laquelle on l'enferme. Nous ne sommes pas loin de Falling Down (Chûte Libre, de Joël Schumacher) qui suivait le dérapage meurtrier d'un américain déboussolé (plus de femme, plus de job).
Fincher dit que la société d'aujourd'hui fabrique les détraqués de demain. La propagande n'est plus dans les sitcoms-dents blanches-verre de lait des années 50, mais bien dans le mode de vie qu'on veut nous imposer.
Avec cette force obscure en nous, qui ne cesse de vouloir combler ce vide exitentialiste qu'on nous créé à longueur de journées, il est difficile de ne pas voir qu'on nous prend pour des cons dès qu'on est né. La fin, sentimentale, n'apporte peut-être aucune solution. Mais le constat est acide, et très juste, hélas. vincy
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