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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Frida
USA / 2002
16.04.03
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FRIDA , LIBRE DANS SA TETE
"- Que faut-il pour un bon mariage ?
- La mémoire courte."
La biographie au cinéma est un exercice périlleux. Davantage quand il s’agit d’un artiste. Frida souffre de plusieurs maux. Le syndrome Camille Claudel : l’oeuvre de son mari est presque plus présente que la sienne. Ensuite, la maladie Schnabel, du cinéaste qui commit Basquiat et Avant la nuit : une surcharge de thèmes (parfois politiques) qui noie l’approche plus précise de l’artiste. Enfin, le défaut génétique de la plupart de ces oeuvres " hommage ", qui retrace l’ensemble d’une vie (à opposer à Surviving Picasso ou Goya à Bordeaux qui se concentraient sur des périodes) : un scénario ponctué d’anecdotes, de faits historiques et chronologiques, ... Le film souffre ainsi de longueurs, d’une narration trop linéaire, d’un rythme dépendant des hauts et des bas de la vie de son héroïne.
Nous sommes ainsi partagés, pour ne pas dire diviser, entre la fascination pour cette artiste hors-normes et un film qui ne ressent rien, qui ne transmet aucune passion. Admirablement filmé - il y a des plans somptueux - nous sommes mis à l’écart de ses douleurs, de cette souffrance et de sa solitude. A force de trop se focaliser sur sa vie (intéressante), le film oublie l’oeuvre et les créations. Bien sûr le lien entre les deux est évident, et d’ailleurs bien trop soutenu par le montage. Mais il n’y a pas de dimension intérieure. La caméra ne nous imprègne pas de la détermination qui motivait Frida. Nulle part, nous ne partageons cette violence de vivre. Trop lisse, trop classique, le film aurait mérité davantage de délires. A l’image de ces " virgules " qui surviennent de temps en temps et qui nous emmènent dans les rêves fantastiques et surréalistes de la peintre.
Car de cette saga qui fut sa vie, où l’on croise Rivera, Rockfeller et Trotsky, on s’attendait à plus d’emphase. La personnalité de cette artiste avant-gardiste, fantaisiste, excentrique, féministe, communiste, esthète et exigeante aurait du inspirer un film moins conformiste, sans lui faire honte. Et Salma Hayek n’est pas en cause. Son interprétation, quelque soit l’âge, sa manière de courir, de voir, de provoquer, est un ensemble plus que parfait, qui confirme le talent immense de cette actrice mexicaine, à l’opposé du gâchis artistique d’une Jennifer Lopez.
De même, Alfredo Molina incarne un Diego Rivera touchant et faible, humain et cohérent, fragile et mélancolique. Elle se crucifie en permanence (et se complait dans cette torture qui lui donne son talent). Lui se noie dans les tentations et la vanité. La colombe et le crapaud, couple étrange mais grandiose. Notre curiosité nous emporte. Pourquoi ce duo si marginal, si génial, si engagé a tout fait pour se marier, ne jamais divorcer et même rêver d’une famille ? Bref comment a-t-il pu avoir des désirs si conventionnels ? Le film ne résout pas ce mystère.
Il préfère voir la Kahlo s’observer paralysée ou en train de contempler son mort-né malformé. Frida ne voit pas le monde comme nous. Acide et tendre, adorable et cruel, à l’image de sa vie, d’elle.
Le livre d’images était très beau, à la fin du film. Mais finalement, un tableau de Frida Kahlo nous parle bien mieux de ce qui fut un destin tragique, et néanmoins exceptionnel. Il en restera des séquences sublimes et des comédiens perfectionnistes. Pour ne pas dire des incarnations. vincy
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