Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Pina (dansez, dansez, sinon nous sommes perdus)


Allemagne / 2011

06.04.2011
 



LES GESTES DU DÉSIR





« Le moindre détail compte »

Cela devait être un documentaire autour de l’immense chorégraphe Pina Bausch. Décédée soudainement juste avant le premier jour de tournage, ce film, mûrit depuis plus de 20 ans, s’est mué en hommage à l’œuvre de cette prêtresse de la danse. Cela aurait pu être ennuyeux, pompeux, larmoyant. Pina est aussi vif que sensible, aussi élégant qu’hypnotisant.

Pas de faux mouvement

Wim Wenders a été touché par la grâce. Comme le numérique l'avait bousculé pour Buena Vista Social Club, la 3D l’a défié techniquement, artistiquement. Et dès les premières images, le spectateur comprend que le cinéaste a été à la hauteur de la performance. Sa culture cinématographique, son intelligence visuelle, sa connaissance de la grammaire des images et son sens de la mise en scène créent le choc attendu, espéré. Wenders réinvente la danse au cinéma parce qu’il maîtrise une donnée essentielle pour le cinéma en trois dimensions : la spatialisation, c’est à dire la profondeur de champs et l’angle choisi de ses caméras. À cela s’ajoute un nouvel élément qui impressionne : le décor réel. Les prises de vues dans la ville et ses alentours, où des danseurs exécutent leurs mouvements, sont de toute beauté. La danse s’intègre dans notre quotidien. De ces images surgissent une émotion visuelle, mais aussi le sentiment de regarder de l’art, au sens noble du terme.

Pina dans les Villes

Par ailleurs, ces décors traduisent eux-mêmes un mélange de modernité et de désuétude. La ville semble avoir flirté avec la science fiction dans les années 70 : monorail, architecture des bâtiments… Il semble qu’elle ait été autrefois avant-gardiste et qu’aujourd’hui elle apparaisse comme la ville de Tati dans Play Time. A l’instar de Bausch, anciennement expérimentale et devenue classique. Car le plus troublant dans ce mélange entre mouvements des corps et immuabilité urbaine c’est bien c’est leur adéquation parfaite. Les danseurs démontrent que leur art peut se fondre dans n’importe quel décor, et pas seulement celui d’un théâtre. Le film rend ainsi un hommage plus profond et plus sincère à l’œuvre de Pina Bausch, qui aimait tant les éléments naturels (l’eau, la roche, la végétation) et les lieux banals de nos vies.

End of Dance

Au delà de cette leçon de cinéma sur la danse, Wenders exploite quelque créations marquantes de la chorégraphe pour les transformer en séquences de film musical. Les cascades de ses scénographies deviennent des ruisseaux en pleine forêt. Ainsi, le sacre du printemps se révèle un véritable West Side Story en puissance, avec la même sensualité, exacerbée, le même déterminisme tragique, et ces danseurs qui se propulsent littéralement vers les yeux des spectateurs. La réalisation magnifie et dramatise les pièces de Pina. Nous qui les avions vu dans leur ensemble, à plat, avec la scène en frontal, nous les (re)découvrons sous un autre aspect, presque plus percutant. Le détail des corps, la précision des gestes, l’énergie de la troupe, la sueur : tout se met en lumière dans un cadre très précis qui ne doit rien au hasard et insuffle la force nécessaire pour donner du rythme et de la tension à l’image.

Pour les enfants d'hier, d'aujourd'hui et de demain

Wenders utilise aussi la profondeur de champs pour valoriser le précédé 3D, donnant à la troupe des mouvements de groupe aussi séduisants que cohérents. Nos yeux perçants s’ébahissent devant ces rêves dansants. La mélancolie est palpable. Chaque danseur apporte sa touche, son témoignage, son hommage, burlesque ou amoureux. La mère Pina a laissé orphelin sa troupe, fusionnelle. Mais ils ne sont pas désœuvrés : il y a tant de créations à reprendre, réinterpréter… Elle qui aimait tant raconter des histoires avec son propre langage, universel, sans paroles, se voit honorée par Wenders : Pina est portée au pinacle et son art devient cinématographique. Elle qui manipulait les rythmes et les émotions avaient en fait créée des séquences de 7e art. « À quoi aspirions-nous ? D’où nous vient ce désir ardent ? » Laisser une trace sans doute…. Le spectacle vivant est hélas éphémère. Le cinéma le rend éternel.
 
vincy

 
 
 
 

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