Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Open Range


USA / 2003

25.02.04
 



THE MISFITS





"- Des hommes vont mourir aujourd’hui, Sue. Et c’est moi qui vais les tuer."

Le western ne meurt pas. Il dort. Parfois profondément. Sommeil récurrent que seuls les cinéastes les plus agiles parviennent à interrompre. Avec Impitoyable en 1992, Clint Eastwood pensait avoir apprivoisé la bête. William Munny son héros chevauchait à nouveau pour une ultime course contre la mort. Mauvais présage. Depuis plus rien. Les cow-boys ne dégainent plus. Kevin Costner semblait touché par ce mystérieux mal. Petit gars de Lynwood en Californie, élevé au rang de superstar puis réalisateur adulé de Danse avec les loups, le bellâtre a depuis déchanté. Sa carrière prit des allures de sieste "artistique" crapuleuse : navets honteux, mélos pleurnichards, réalisation catastrophique. Pas étonnant que le héros déchu ait croisé sur sa route un genre en quête d’une jeunesse perdue. Des retrouvailles aux airs de renaissance.

Open Range (A ciel ouvert) pouvait se borner à n’être qu’un western de plus. Une vision moderne de l’Ouest. Un tremplin comme un autre. Pour artiste au point mort. Rien de tout ça. Comme pour Danse avec les loups, Costner opte pour la simplicité. Quitte à s’exposer aux comparaisons hâtives. Bon élève, il redouble d’efforts pour rassasier notre boulimie visuelle de territoires abandonnés. Où l’homme ne ressemble à rien. Sinon à un animal insignifiant. Presque irréel. Loin de vouloir égaler les maîtres du genre, Costner abuse de leurs artifices imagés. Pour mieux s’en démarquer. Comme Eastwood avec Leone. Seulement l’envie de raconter son histoire.

Une histoire d’hommes aveugles à toute évolution. De ce pays qui change. Sans se soucier de leur avis. Deux convoyeurs de bétail cloisonnés dans un code de vie et d’honneur déjà dépassé. Obsolète. Costner reste évasif sur les raisons qui ont contraint Charley Waite et Boss Spearman à épouser cette carrière d’itinérants. Juste des allusions, des non-dits et des blessures qui rejaillissent. Parfois violemment. Tout ce qui attrait à la civilisation semble volontairement proscrit. Les souvenirs, les sentiments jusqu’à leurs propres noms. La ville - donc la réalité - apparaît comme un antre impénétrable qui effraie plus encore que les animaux sauvages qui entourent nos héros. Et un "J’aime pas la ville" pour seule excuse.
Mose Harrison et Button réagissent autrement. Comme les enfants qu’ils sont. Leurs rapports avec leurs aînés ne reposent jamais sur des valeurs maître-disciple. Ils fuient eux aussi un passé douloureux. Mais n’oublient pas pour autant de vivre. Charley et Boss auront beau feindre d’ignorer les jeux et les besoins des adolescents. Etouffer toute tendresse en s’imposant un rythme de vie austère. Ils n’échapperont pas longtemps à ce monde qu’ils refusent de côtoyer. Même s’il ne s’agit au départ que de venger le sacrifice des deux gamins innocents.

On ne peut résumer Open Range à ce seul thème de la vengeance humaine. Aussi convaincant soit-il. De Ford jusqu’à Anthony Mann, le western a fait ses preuves. Le génie réside plutôt dans une construction dramatique soutenue. Parfaitement maîtrisée. Costner ne caricature aucun personnage. Même le plus abject. Ni bons ni mauvais. Tous coupables à leur niveau. Et victime à la fois. Il n’épargne même pas son héros Charley Waite. Open Range ne repose sur aucun héroïsme. Pas de moments de bravoures étincelants ou de morale bien pensante sur la traîtrise et la lâcheté. A l’intrigue et au suspense, Costner répond par de somptueux moments intimes (la scène de l’épicerie). Aux grandes déclarations d’amour et d’amitié, les silences et les gestes annonciateurs. Aux duels stylisés et tapageurs, un final réaliste et bruyant (ingénieuse utilisation du plan large). Open Range nous prend au dépourvu. Créer la surprise sur l’issue des événements ou des séquences. Les acteurs, magnifiques, ne sont pas étrangers à cette réussite (Robert Duval et Annette Bening, trop rares). Il n’est pas interdit d’éprouver ici un étonnant sentiment de nostalgie. Le savoir-faire d’antan imprègne à nouveau sa marque. Et de laisser échapper une larme. De joie évidemment.
 
jean françois

 
 
 
 

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