Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Hitchcock


/ 2012

06.02.2013
 



L’HOMME QUI PRÉFÈRE LES BLONDES





« Appelez-moi Hitch. Virez le Cock. »

Hitchcock se présente comme un film ambitieux, où une pléiade de stars ont pour mission de nous ramener à l'époque du tournage du film Psychose (1960). On en frémit d'avance et c'est normal. C'est toujours excitant de plonger dans les coulisses d'un film culte et qui, à l'époque, avait fait tant de bruit. Et pas seulement dans les salles quand survenait la fameuse scène de la douche.

Mais le désir doit faire place à une certaine déception, à l’instar, l’an dernier de My Week With Marilyn. Car Hitchcock, réalisé par le presque novice Sacha Gervasi, apparaît comme trop timide et trop lisse face à l’œuvre du Maître du suspens. Le film préfère les clichés et les sentiments, opte pour la facilité face aux défis : en témoigne cette pseudo amourette entre madame Hitchcock, Alma Reville (superbe Helen Mirren, as usual), et un scénariste en mal de reconnaissance. Il l'emmène sur une maison au bord de la plage (son endroit secret lui dit-il) pour travailler, mais on sent dans le regard de la femme de l'ombre l'envie d'être désirée. Elle, qui se sent vieille, est charmée et touchée d'être ainsi séduite (de façon à peine déguisée) par cet homme entre deux âges. Le bonheur est de courte durée quand elle trouve son partenaire de travail (qu'elle aurait sans doute souhaitée amant) dans les bras d'une autre. Cette maison au bord de la mer était en fait sa garçonnière, mais pour elle, la femme du grand Hitchcock, c'était simplement un leurre, un moyen pour le scénariste d'essayer d'approcher le célèbre mari. Une femme dans l’ombre. C’est à ce moment là qu’on aurait pu imaginer ce qu’aurait pu être le film : la révélation d’Anna Reville, femme dominante, dans l’intime comme sur un plateau de cinéma, sûre d’elle, mais souffrant des névroses, fantasmes, jalousies et obsessions de son mari, « panthéonisé » de son vivant.

Donc, si le film n'est absolument pas un making-of du tournage de Psychose, s'il dévoile peu, au final, les secrets du film (hormis Janet Leigh et Vera Miles, on en apprend peu sur le passé des autres acteurs, du scénariste…), il se concentre bien plus sur le couple Hitchcock (de la chambre à coucher à la cuisine en passant par les bureaux).

Le réalisateur s'intéresse principalement aux troubles du cinéaste - interprété de façon inégale, parfois très juste et convaincante, parfois peu ressemblante par Anthony Hopkins - qui traverse une période compliquée dans sa carrière, une crise artistique pourrait-on dire. Au somment, il cherche à se renouveler, à surprendre, à retrouver le désir de réaliser, comme dans sa jeunesse. Clouzot, Dassin, Chabrol émergent. Il sent qu’un nouveau cinéma risque de le dépasser, de le détrôner. Il est en quête d’un nouveau souffle. Même si à chaque fois qu’il prend ce genre de risques, il plante financièrement le studio (Le faux coupable, Sueurs froides/Vertigo).

Le grand (gros) Alfred est confronté à un abandon de la part des studios. Paradoxalement on ne croit plus beaucoup en lui, ses prestations fructueuses à la télévision ternissent même son image. Lui qui vient de terminer La mort aux trousses serait presque poussé sur le banc de touche. A moins de faire Casino Royale (avec Cary Grant), La mort aux trousses 2 ou Le journal d’Anne Frank qu’on lui propose pour la énième fois. Son bras droit, sa femme, va jouer le rôle de béquille. Le long métrage sort de l'ombre l'épouse du réalisateur et lui rend même un vibrant hommage. Après la projection du film, il serait possible d'affirmer qu'elle est présentée comme une entité faisant partie d'Alfred Hitchcock, la seule capable de pouvoir le remplacer. Derrière les fantômes/fantasmes de Grace Kelly et autres blondes sublimes hollywoodiennes, il y a elle, réelle, solide, aimante, patronne. La seule qu’il écoute. Un binôme artistique qui éclaire sous une nouvelle lumière la silhouette imposante du Maître.

Pour le reste, le film se contente de jouer avec le mythe du voyeur, du charmeur, du manipulateur. Il dévoile plus les méthodes du business hollywoodien (qui n’a pas vraiment changé) que le processus créatif du cinéaste. On en apprend davantage sur la manière dont il créé le buzz, comment il souhaite promouvoir son film pour attirer le public que sur la façon dont il veut déconstruire les codes cinématographiques en réalisant Psychose. Seules les séquences de compromis avec la censure permettent de comprendre à quel point les réalisateurs étaient brimés et bridés. Et comment ils la contournaient.

Même la psychologie d’ « Hitch » est superficiellement abordée à travers ses hallucinations où il croise le serial-killer ayant inspiré Norman Bates. Toutes ses frustrations, pulsions s’y révèlent mais ces insertions donnent un résultat un peu bancal. Hitch sans le cock (tout un double sens) ne serait qu’un être trahi par les femmes et dépendant d’elles… Un peu court, jeune homme.

Et Psychose dans tout ça ? Le film repose sur la scène de la douche. Seule séquence où l’on voit le travail du début à la fin, du tournage à l’effet sur les spectateurs, d’un chef d’orchestre qui connaissait son art, et l’impact de celui-ci. Mais dans ce film, aucune mise en abyme, aucune immersion effrayante. Juste le tableau, à distance, d’une séquence culte.

C’est tout le problème de ce "dérivé", plaisant et enrichissant (bien que déformant quelques réalités historiques) : tout en rondeurs, Hitchcock ne prend aucun risque, contrairement au cinéaste à l’époque, et ne transmet que peu d'émotions, contrairement au film auquel il rend hommage. Reste l’agréable sensation d’entrer dans l'intimité d'un des couples les plus importants de l'Histoire du cinéma, en donnant l’envie de revoir toute leur filmographie.
 
Benjamin

 
 
 
 

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