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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Syngué sabour - Pierre de patience
France / 2012
20.02.2013
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LE MONOLOGUE DU VAGIN
«- Pourquoi je demande la permission ? »
Atiq Rahimi a pris le risque de transposer lui même son roman, prix Goncourt. C’est un euphémisme de dire qu’il n’est pas parvenu à se détacher de l’histoire intense de son héroïne pour rendre sa narration cinématographique.
Le film porte deux titres, comme s’il ne savait pas choisir entre deux arts, la littérature et le cinéma, le nom afghan et celui français. Syngué Sabour – Pierre de patience. Et justement, il en faut de la patience. Dans cet Afghanistan rural, piégé par ses guerres tribales, la bêtise humaine et une religion tyrannique, l’écrivain cinéaste tente pourtant de dépeindre une réalité : la place de la femme dans un pays où les hommes, hypocrites, sont avant tout des soldats. « Ceux qui ne savent pas faire l’amour font la guerre ». Le regard n’est pas tendre sur ces mâles. Il n’en sauve qu’un, le bègue, sensible. Même le mari, entre la vie et la mort, absent, vieux, égoïste, la fameuse pierre de patience, ne nous sera pas sympathique.
Au choix, les femmes deviennent putes, folles, veuves, … Joyeuse perspective. Il en sauve une. Son héroïne. En burka à l’extérieur, elle se dévoile, au sens propre comme figuré, dans la chambre conjugale. Une femme libre dans sa tête malgré les barreaux de toutes les prisons qu’on lui a construit autour. Elle est fatiguée, usée par des années de mariage sans partage, alourdie par des secrets, qu’on devine hélas trop vite pour maintenir notre intérêt jusqu’au bout du film. Le dénuement total, le chaos de cette vie infernale, la survie permanente ne suffisent pas à construire une intrigue autour d’elle.
Rahimi tente visuellement de nous éblouir en filmant des détails, des couleurs, le magnifique visage de Golshifteh Farahani (qui livre ici une interprétation saisissante). Il a choisi le gratin du cinéma français pour l'image, le montage... Mais cela ne suffit pas. Le suspens ne s’installe jamais, plombé par des langueurs inutiles. La folie du monde n’émeut pas plus, parasité par celle d’une femme qui décide de se livrer sans prendre de précautions. De longs monologues avec un « mort » sous formes de confessions intimes sont ainsi entrecoupés de flash back illustratifs. Et rien ne palpite côté cœur. Jusqu’à ce final énigmatique, bâclé et inquiétant, où délivrée, l’héroïne ne semble pas soulagée. Comme si sa thérapie psychanalytique achevée, elle semblait encore névrosée. Elle a beau retrouver le sourire, avoir appris de ses souffrances, s’être compromise avec le sexe et l’argent, elle paraît toujours soumise.
On garde en mémoire la difficile condition féminine dans ce pays. Les détours horribles que ces femmes opèrent pour garder leur place dans une société où elles ne servent qu’à enfanter. Il y a cet urgent besoin de parler ; leur vie susciterait presque la nausée tant leur quotidien choque. Mais l’esthétisme trop doux, le choc final et fatal, les personnages secondaires trop superficiels et le scénario trop littéraire rendent le film laborieux derrière sa couche de vernis. Cela reste un portrait de femme séduisant. Comme un tableau où l’arrière plan ne suscite aucun commentaire, tant le regard est absorbé par la beauté et la douleur du modèle, madone écorchée et sacrificielle.
vincy
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