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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Ying Xiong (Hero)
Chine / 2002
24.09.03
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DE GUERRE LASSE
"- Comment avez-vous découvert mes plans?
- Les flammes de ces bougies ont été perturbées par vos intentions meurtrières…"
A première vue, le projet pourrait tendre à être considéré comme pachydermique. Moyens colossaux au financement hautement officiel, casting prestigieux et pratiquement exhaustif de la crème du cinéma hong kongais faisant penser à l’échelle hexagonale à une production Berri… mais par dessus tout un sujet historique tellement incontournable qu’on se prendrait presque à penser aux 10 commandements de Cecil B. DeMille. Bref, aux commandes d’une pareille machine, il est raisonnable de se demander si un réalisateur fréquemment désavoué par sa patrie peut décemment refaire le coup de l’empereur et l’assassin avec un reste de prétention d’auteur.
Dés les premières minutes du film, il apparaît rapidement que Zhang Yimou s’est acquitté de son présumé spectacle commémoratif son et lumières sans trahir sa réputation d’esthète chevronné. Démesurée, sa fresque alterne les déploiements militaires époustouflants aux séquences d’arts martiaux poussées au paroxysme dans le maniérisme zen. Les acteurs semblent rester suspendus à leur câble le temps qu’une goutte de pluie se verse délicatement dans un seau… Les ballets gracieux sont hypnotiques et procurent un plaisir indéniable. Folie de couleur, déchaînement d’éléments naturels, de matière, le spectateur en viendrait presque à oublier la trame du récit. Le réalisateur a fait un choix, celui de traiter l’Histoire dans ses grandes lignes légendaires, frôlant le hiératique pour s’éloigner de tout soucis de réalisme. Un peu comme si Zhang Yimou fermait son esprit critique sur la reconstitution des événements filmés pour n’en conserver que des images sublimées. Un plaisir pur dont la stylisation plastique radicale et la technique dernier cri transcendent des icônes surhumaines écrivant leur mythe au quotidien de leur vécu, sans même attendre que d’autres s’en chargent à leur place. La narration calquée sur le principe de la commode aux tiroirs vides du Rashomon de Kurosawa multiplie les exploits mensongers et véridiques pour permettre au film de se dédier entièrement à sa vocation emblématique. Charismatiques à outrance, les grandes figures qui peuplent Hero n’offrent finalement qui peu de prises au public condamné à admirer respectueusement la prestance de chacun. Les acteurs en seront aussi pour leurs frais puisque les opportunités de jouer avec leur rôle ne leur auront pas été franchement accordées. L’interprétation se limitera ainsi à endosser des costumes extraordinaires pour se fondre dans la perfection du cadre et souvent à prolonger des performances auxquelles bon nombre ont déjà été habitués dans leur filmographie. C’est le cas notamment pour Zhang Ziyi cantonnée visiblement aux fortes têtes auxquelles la fougue de la jeunesse ne permet pas la raison. La satisfaction est grande de retrouver Jet Li dans un contexte qui lui convient mieux que les productions laborieuses de Luc Besson ou autres produits standard américains. Pour autant la star asiatique ne saura dépasser sa sobriété expressive habituelle au risque de bien peu se renouveler. Le couple Maggie Cheung et Tony Leung renverra irrésistiblement à l’inévitable souvenir de In the mood for love, dans une prestation toutefois moins chavirante cette fois-ci. Le duo s’impose tant bien que mal comme le meilleur atout de l’épopée car entretenant par leur passion le peu de souffle de vie au sein d’une succession de tableaux à la minutie trop convenue. Décevant…
Faudra t-il crier hâtivement pour autant au désengagement intellectuel d’un cinéaste qui vendrait son talent artistique à la cause du régime de Pékin ? Probablement pas. Il restera dans Hero le plaisir des yeux inaliénable tout comme le resteront les idéaux personnels d’un Broken Sword imperméable qui renonce à se compromettre sur l’échiquier de l’Histoire. Là résiderait l’essentiel. Rester pur et intègre quitte à refuser l'implication, à pervertir sa nature puisque toute lutte serait vouée à être récupérée. Telle pourrait être la philosophie aux teintes pessimistes de Zhang Yimou, qui se détourne de l’utopie subversive pour accepter l’inexorable corrosion du pragmatisme ambiant. Humble dans les idées, il développe librement mais exclusivement son audace au travers de son manifeste pictural.
Démarche en retrait à portée limitée soutenue par une certaine désillusion… petsss
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