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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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L'homme du train
France / 2002
02.10.02
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LE PASSAGE ( R )
" - Vous étiez un bon prof ?
- En 30 ans d'enseignement, pas un seul attouchement sexuel à me reprocher!
- Chapeau."
Depuis quelques temps, Leconte s'essoufflait. Il ne parvenait plus à filmer la chimie amoureuse et la magie des mots comme avant. Depuis cette fille sur le pont, aucun couple ne nous avait éblouit, aucun plaisir ne fut procuré. Aussi est-on heureux de retrouver les mots d'auteur (presque abusifs), les maux d'acteurs (totalement jouissifs) qui ont fait la réussite de Tandem ou du Mari de la Coiffeuse. Cinématographiquement, nous sommes loin de l'aspect soigné, esthétisant même de Ridicule et de La Fille sur le Pont. En revanche on retrouve ici la noirceur et l'inquiétude de Monsieur Hire.
Dans une ville anonyme, perdue, au point de ne pas être envahie par les touristes ni en novembre ni en juillet, qu'on situerait du côté de l'Ardèche, dans une époque mal définie, un vague aujourd'hui plus ou moins passé, Leconte plante son décor pour un western philosophique moderne. Tout y est : la pharmacie ou le resto à frites qui jouent les saloons, la musique qui se permet un peu de guitare, le personnage principal qui débarque dans une gare déserte tel un ombrageux présage. La ville est morte, sans âmes (qui vive) et la mort sera rendez-vous. La vie, aussi.
Le cinéaste s'est amusé à confronter deux styles, deux époques, deux attitudes : le bandit rocker et le vieux monsieur poète. Chez Leconte tout est tandem, affaire de duos et de duels. Et pour la première fois depuis Jugnot / Rochefort, il réussit un couple d'hommes, sur le même mode. Rochefort, toujours lui, vieil acolyte, joue le gamin qui s'ennuie, basculant de la solitude à la schizophrénie douce, de l'envie d'avoir un copain, touchante, à la lucidité des vieux sages. La stupéfaction du cinéphile et la surprise du spectateur coïncident davantage devant la prestation de Johnny Hallyday, enfin acteur, bien dirigé, dans un film digne de son statut de star. Un film d'auteur, plein d'ironie, mais qui lui offre un personnage substantiel, mystérieux, contournant habilement son image tout en l'exploitant sans vergogne. Il parle juste, aussi à l'aise en essayant des pantoufles qu'en braquant une banque. Qu'on aime ou pas Hallyday, après avoir vu ce film, il devient attachant.
Les dialogues et situations imaginées par le réalisateur, mettant en perspective tous les abîmes du fossé entre les deux hommes, facilitent beaucoup un contraste volontairement comique dans un cadre idéalement tragique. Les deux sont face à leur passé, au crépuscule de leurs vies anciennes. Les deux aspirent à la vie de l'autre, sont prêts au changement. Au passage vers cet au-delà qui ferme leur horizon. L'univers est spirituel, léger et insolent.
Pourtant la chronologie est un rouleau compresseur qui noircit et écrase les regards paumés de ces solitaires. Au fond L'Homme du train est macabre et allégorique ; il n'a rien de lumineux. Ce vieux monsieur qui a des allures, des peurs, des prunelles d'enfant reflète ce gangster qui cherche un bonheur qu'il détruit chaque jour.
Si eux se disent la vérité, c'est pour remettre les pendules à l'heure. Même si ça fout la merde ailleurs. Ils le paieront évidemment. Mieux vaut l'hypocrisie ambiante plutôt que la liberté de penser.
Le film aurait pu être pessimiste, il se termine pourtant sur un mysticisme rare chez le réalisateur, comme si il ne pouvait se résoudre à laisser ses deux hommes en l'état. Il s'autorise ainsi un onirisme astucieux et exposant bien la priorité faîte à l'histoire insolite et improbable de ses deux mecs inventés, où l'imagination joue des tours à chacun.
Film de magicien, il s'empêche d'accéder au rang de grand film par une image épouvantable, rendant chaque gros plan plus laid, et la lumière trop terne. La réalisation se contente donc d'être efficace et de miser sur les paroles et les gueules. Dans la plus pure tradition d'un cinéma français légèrement surréaliste, de Prévert à Audiard. vincy
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