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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Identity
USA / 2003
24.09.03
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INSANITY
"- Il faut savoir si on juge le corps ou l’esprit."
On imagine très bien l’auteur vendre son pitch ainsi au producteur : alors voilà c’est Usual Suspects qui se fait une frayeur à la Seven dans un cadre style Psycho. Ce film de genre respectera tous les codes. Évidemment le cinéphile averti, celui qui se sera avalé des dizaines de séries B des années 50 à nos jours, anticipera avec un peu plus de précocité (et de vélocité) la fin tordue de ce scénario à rebondissements. Cela s’appelle un film avec twist. Et avouons-le, même en devinant la fin, on se délecte avec ce cauchemar bien organisé.
D’une série d’incidents en chaîne, à déconseiller aux cardiaques, une brochette de personnages se retrouvent isolés dans un motel glauque, par temps de merde. On notera que les gens sont relativement distraits en voiture. Certes, chacun semble névrosé, inconscient, voire irresponsable. Aux limites de la démence pour certains. Dans cet étrange nuit, un seul individu a la tête sur les épaules (beaucoup la perdront dans les deux sens de l’expression), Ed. Lecteur inattendu de "L’être et le Néant". Dans ce livre, le philosophe français - oui, Ecran Noir a encore l’ambition de faire dans le culturel, désolé pour les adeptes de Bruckheimer - écrivait : "Autrui, c'est l'autre, c'est-à-dire le moi qui n'est pas moi."
Cette phrase suffit à comprendre l’esprit déstructuré du serial killer qui nous sert de guide. De là, dans un huis clos forcément hitchockien, et ouvertement référencé par de multiples détails (objets, décors, ...), James Mangold excite nos nerfs, teste notre adrénaline, aiguise la sensibilité de nos âmes. De sautes d’humeur en accident mortel, de meurtres à l’arme blanche en disparition surnaturelle, le réalisateur s’amuse à tuer ces "dix petits nègres" avec tous les moyens imaginés durant un siècle de cinéma d’horreur kitsch - jusqu’au surnaturel. Pourtant il n’y a rien de parodique, ni même de médiocre. Les plans sont bien cadrés, l’espace parfaitement occupé, on sent un vrai souci de mise en scène. La grammaire cinématographique a été bien apprise par ce réalisateur qui aime contourner les genres les plus éculés. Il ne confond pas le rythme - rapide, dans ce cas précis - avec le montage, généralement de plus en plus cut dans les films "hollywoodiens". Dans cette histoire qui ne réinvente rien, où dollars vert et hémoglobine vermillon se mélangent, le suspens n’en est pas moins stressant. D’autant que le scénario s’amuse de ce jeu d’apparences, de faux-semblants, où les coïncidences deviennent si invraisemblables qu’on parvient à décoder le puzzle avant sa révélation. Pourtant, le spectateur reste captif de cette machination mentale pour savoir où elle va le mener. Car la grande force d’Identity, ce sont les individus (et par conséquent les comédiens). Même détraqués - bons pour une surdose de Prozac ou un séjour à l’asile, selon - ils deviennent attachants. Surtout que l’on comprend vite qu’il ne faut pas les juger trop vite. Alors, nous portons notre attention sur leurs faiblesses, sur leur humanité. À l’être le plus cartésien de tous, celui qui réfléchit, on balance "Vous êtes un mec compliqué."
Toujours ce refus de l’intelligence, symptomatique de notre époque qui évolue vers un simplisme abrutissant. Dans ce dédale psychologique, dans cet esprit tordu, rien n’est linéaire ou binaire. Cette série B a un ADN de grand polar, faisant le lien entre Psychose et les films gore pour ados, entre le rationnel et le sensationnel. Le film a retenu une leçon du Maître du Suspens : seules ne comptent que les 5 premières et les 5 dernières minutes du film. C'est d'ailleurs cette atsuce artificielle de la narration qui nous oblige à deviner trop en avance le "truc". Mais, de fait, ces 5 premières et dernières minutes bouclent la boucle, tout le reste n’est qu’un trait d’union, un itinéraire, inutile mais divertissant pour mieux comprendre un esprit dérangé. Une route perdue en plein Nevada pour se faire peur. En d’autres temps, on nous emmenait dans l’espace, dans un vaisseau spatial, et l’Alien était une sale bestiole. Désormais, il est vraiment en nous. vincy
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