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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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John Q
USA / 2002
06.03.02
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A COEUR OUVERT
"- Il y a des blessés?
- C'est une salle d'urgences. Tout le monde est blessé."
Les prises d'otages sont monnaie courante dans le cinéma. Et depuis le succès de la série Urgences, les höpitaux sont un huis-clos dramatiquement idéal. Un cinéaste comme Scorsese a réussi à être original, brillant dans un tel cadre. Almodovar, par deux fois, a cerné avec intelligence les angoisses autour du monde de la greffe.
Nick Cassavetes déçoit donc fortement les attentes qu'on pouvait à voir. A chaque film, le budget augmente, les stars se multiplient et ses scripts se laisse envahir par de plus en plus de tics hollywoodiens.
Car les bons sujets ne font pas les grands films. Avec un tel propos - juste, social, humain, critique, politique - Ken Loach y aurait insuffler bien plus d'impuissance et moins d'héroïsme, mais au final l'histoire aurait été crédible. A partir d'une dénonciation qui suscite l'indignation - un système médical totalement inégalitaire favorisant largement les très riches - il réalise un film démagogique, manipulateur, presque lourd.
Tout est gaché, aussi bien dans le message que dans l'image, par une seule séquence. Celle où le père est censé transmettre ses valeurs à un fils pour lequel il est prêt à tout, y compris à se sacrifier. Le "héros", gros prolo impeccablement interprété par Denzel Washington, justifie son acte (une prise d'otages) pour bousculer le système et provoquer l'opinion. Il est anormal que son fils meurre parce qu'il est pauvre, alors qu'il peut être soigné (pour 250 000 $ US). Au lieu de lui demander de changer les choses, de se battre pour rendre le monde plus juste, de lui inculquer des valeurs citoyennes et humanistes, il nous déverse un discours moraliste, chrétien, conservateur, où la seule solution est d'être riche, de gagner de l'argent. Grand numéro de l'oscarisé Washington. Parfaite machine à véhiculer les bonnes émotions.
La maladresse du "discours" se sent aussi à la fin du film quand la télévision devient le référent aux idées débattues. Un show à l'américaine où se mélangent Hilary Clinton, Larry King, Jay Leno, les émissions de divertissements, les experts... Où tout cela est réduit à un fait divers côté peuple, à un aiguillon sensationnel côté médias. Il n'y a rien de cynique. Juste une illustration d'une société malade de son système, reflet d'une pseudo-démocratie d'opinion lunatique qui échange des dialogues de sourds par personnalités interposées.
John Q demeure un bon moment, très classique, où les personnages ont peu de profondeur et flirtent avec le cliché. Certes "quelque chose déconne" dans ce beau pays. Mais personne ne se révolte vraiment. La seule solution semble la violence. C'est une des rares scènes captivantes, ce débat entre ceux qui se lamentent sur la violence quotidienne et banalisée et ceux qui réclament une santé pour tous. Faut-il en arriver là?
Cassavettes n'est pas constant, mais son histoire tient debout. Le scénario aborde trop de sujets sans les fouiller (mondialisation, délocalisation, médias, police, ...) et la réalisation est bien trop timorée pour élever le script vers une universalité. Confiné au fait divers, John Q demeure un drame bien foutu, mais trop américain pour nous apitoyer.
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