Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Ken Park


USA / 2002

08.10.03
 



SEX & SUNS





"- Voyons voir, 94 points pour mémé, 110 pour Tate et pépé disqualifié pour avoir triché, donc j’ai gagné !!"

Loin de marquer le pas en tombant dans la redite, Larry Clark persiste de film en film à consacrer avec brio toutes ses attentions à l’adolescence, cet âge symbolique lourd d’espérances futurs, mais aussi de désillusions cuisantes. Le réalisateur bénéficie désormais d’une reconnaissance certaine dans sa spécialité, il n’en fera pas pour autant avec Ken Park un fond de commerce. Il choisit au contraire, avec une obstination qui mérite la plus grande des considérations, à poursuivre son étude comportementale d’une jeunesse que le rêve américain se plaît à vendre depuis des lustres comme porteuse de grands espoirs. Son parcours cinématographique aura mené le réalisateur photographe à se rapprocher inexorablement de la famille (apparaissant dans Bully) qui devient du coup ici le cœur du sujet du film. Un peu comme si après les présentations de Kids, il était temps d’élargir le cadre pour mieux comprendre les moeurs des « adorables » têtes blondes. En ce sens il est tout à fait compréhensible dans une optique de cohérence que Larry Clark ait patienté pour mettre en chantier ce projet qu’il caressait depuis longtemps. Logiquement il accèdera à un constat héréditaire qui pourra paraître évident, à maux d’enfants chercher maux de parents, mais la pertinence tient ici plus dans la précision et la lucidité qui dictent la façon de le montrer, donnant une vision extraordinairement frappante de la malédiction filiale, peu en voie de se résorber dans nos sociétés contemporaines pourtant supposées voguer vers un progrès vanté en permanence.

Le parti pris du scénario de Harmony Korine, essentiellement basé sur le traitement des différents personnages par portraits distincts pousse le cinéaste (aidé son acolyte de route Ed Lachman) à déroger de ses règles de narration habituelles pour décomposer son récit en une alternance de séquences dévolues à chacun des jeunes protagonistes, comme autant de petites touches appelées à composer une galerie criante de vérité. Cette technique n’altère en rien la fluidité du film. Chaque instantané est astucieusement juxtaposé aux autres, chaque destinée trouve un écho chez celle de son semblable. Dans ce jeu de piste, les thématiques essentielles qui définissent les troubles de l’âge ingrat sont passées en revue de façon quasi exhaustive. Les rapports ombilicaux à la mère, les confrontations à l’autorité du père, la recherche du bonheur, les tentatives de fuite face à un avenir flou et démobilisateur. La patte de Korine transparaît dans la mise en place des situations ordinaires : l’illumination religieuse exacerbée et totalitaire, le culte du corps préfabriqué implanté par la télé dans les mentalités dés l’enfance et cultivée ensuite par l’effort physique synonyme de réussite palpable… et puis surtout l’intime exposé dans toute sa sensibilité qui révèle sans complexes la médiocrité latente de la condition humaine incapable de s’élever au dessus de préoccupations grégaires puisque relayée par aucune spiritualité convaincante.

Les qualités de Ken Park résident dans la justesse du naturel. Larry Clark a évidemment ce talent de directeur d’acteur qui recoupe celui du photographe captant l’instant instinctivement. Son casting est mis à rude épreuve mais il s’en sort avec une authenticité confondante. En effet le réalisateur franchit avec Ken Park bon nombre de ses censures qu’il s’était imposé précédemment sur les écrans, aux antipodes de son travail photographique dénué de toute pudeur usuelle. Il filme ainsi avec une crudité assumée ses protagonistes en plein ébat, loin des conventions morales, simplement parce que cacher cette sexualité reviendrait à refuser une vérité de l’être, à servir une vision incomplète du naturel. L’image est soignée, léchée même pour certains plans torrides (pas besoin de faire crade pour faire vrai Mr Bruno Dumont...). L’âge des interprètes fait voler en éclat les tabous et dérange les bien pensants qui ont infailliblement vite fait de crier à la complaisance malsaine. Pourtant à aucun moment l’œil du prétendu pervers ne trahit son propos. Tout au plus Larry Clark pourrait être taxé au final de candeur idéaliste excessive. Son trio sensuel composé de Peaches, Claude et Shawn symbolise un paradis illusoire un peu trop parfait pour demeurer totalement crédible. Libertin et libertaire, le cinéaste clame en absence de toute autre alternative le droit au plaisir des sens, comme si la saine jouissance littérale (en absence de sida mais d’amour aussi) était un remède de dernière urgence à tous les maux. Un peu étroit probablement dans les implications, mais hautement salutaire dans la légèreté compte tenu de l’aspect déprimant du reste du film peu ouvert sur l’optimisme évolutif (An other day, an other dog, comme l’exprime laconiquement le réalisateur lors de son traditionnel cameo)

Larry Clark force définitivement le respect par son regard intègre et inaltérable qui ferait mentir ceux qui prétendent que seuls les idiots ne changent pas d’avis (en vieillissant). Témoin remarquable de son époque, son cinéma transporte et son trajet devient essentiel dans une culture américaine enrôlée dans un vaste mouvement de jeunisme puéril auquel il ne souscrit pas. Avec Ken Park, il conserve sa fraîcheur de teenager que son statut d’adulte ne parvient pas à corrompre. Porte parole des pubères en devenir, son énergie sans concessions pourrait l’apparenter irrésistiblement à un Pete Townshend encore vert et révolté, clamant "Talkin’ ‘bout my generation" dans le standard des Who (Things they do look awful c-c-cold, I hope I die before I get old).
 
petsss

 
 
 
 

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