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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Deux frères (Two Brothers)
France / 2004
07.04.04
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LIBERTE POUR LES TIGRES!
"- C'est toujours la peur qui fait de nous des tueurs."
Jean-Jacques Annaud doit rêver de faire un film muet où dialoguent les animaux et les hommes. Après les Cro-Magnons et les ours, le réalisateur sans frontières observe un animal aussi violent que fascinant, le Tigre, espèce en voie de disparition. Aux limites du reportage luxueux du National Geographic. La remarque n'est pas anodine, puisque la WWF finance une partie du film; surtout, un récent film IMAX (L'Inde royaume du Tigre) traite des Tigres du Bengale sur une trame assez similaire où le chasseur devient un écologiste repenti. Passé ce manque d'originalité, Deux frères est un divertissement familial promis à un consensus public. Qui peut dire du mal de deux adorables matous griffus et tigrés? Les seigneurs de l'Annaud tiennent la vedette. Voleurs de scènes, le film est un reportage brillant sur ces félins farouches. La psychologie des bêtes est admirablement rendue, et par conséquent touchante. Avec une fiction qui leur permet de "s'humaniser" et pour le spectateur de suivre leur destin, les tigres sont le coeur du film, ceux sur lesquels reposent l'humour comme l'action, c'est à dire les séquences les plus marquantes et sans doute les plus populaires. On retiendra sans doute cette partie de foot entre deux bébés tigres.
Si le tigre est joueur et agressif, en clair pas très domestique, l'homme, lui, est bête, voire ridiculisé. A l'image de la colonisation, dans un décor qui rappelle L'Amant, contexte politique qui fait écho à la volonté de civiliser, dompter la nature. D'entrée, lorsque la caméra suit le bal amoureux de deux tigres à travers un temple sacré vermoulu et envahit par la jungle, l'homme est réduit à un animal fou, aux rêves éphémères. La cupidité des uns, l'avidité des autres, les peurs et la possessivité de chacun dévoileront une espèce aliénée, ayant coupée son rapport à la nature. Annaud flirte surtout avec Disney. Du propos au traitement, le scénario aurait pu être un dessin animé de l'Oncle Walt. Il n'y a pas une image choquante. Chaque événement se censure avant la réelle sauvagerie qu'elle pourrait amener. Tout est lisse. A l'instar de ce bébé tigre qui se mélange au peluche, merchandising avant l'heure.
Mais Annaud est un cran au dessus de Frère des Ours ou consorts. Au delà de cette publicité pour protéger notre patrimoine culturel et naturel, Annaud dépeint avec justesse les regards, les comportements, l'intelligence de ces animaux. Là, nous sommes bluffés. Face à un Pearce rédempteur, pillard et prédateur devenu l'ami des bêtes, le reste du casting sert surtout à une caricature qui nous dévie de l'intérêt pour l'histoire des hommes. Cette part de scénario est moins convaincante, trop succincte, trop banale. Nous sommes plus hallucinés par la beauté des tigres que par la laideur des erreurs humaines.
Aussi, les homo sapiens sapiens ne sont-ils que des prétextes pour suivre la vie de nos deux tigres, en quête de liberté. D'autant que le cinéaste n'a jamais été aussi "léger". Grâce à des scènes de bravoure ou tout simplement en laissant l'animal au centre des péripéties, le film cousine avec Charlot et même un cartoon déjanté. Dans ce combat de sauvages, le grotesque et l'émotion prennent l'ascendant. Car de l'éden, on passe rapidement à la haine. Jamais l'auteur ne cherche à nous rendre sympathique ces humains, créateurs de tragédie. Il a choisi son camp, celui des animaux. Dans un combat de gladiateurs, les deux frères seront face à leur instinct. Celui que veulent les hommes - un combat - et celui de leur sang - une partie de jeu.
Annaud déposera vite les armes, et déminera cette tension artificielle. Le cinéma préférera faire des hommes les véritables méchants. Il n'est pas question ici de faire de ces tigres autre chose que des rescapés d'un "génocide". Des survivants. Ou des gros matous apprivoisés pour un septième art en quête de sentimentalisme. Il est loin le temps de King Kong qu'on massacrait sans pitié. Ce n'est pas un mal. vincy
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