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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Live by Night
USA / 2016
18.01.2017
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TOUS LES CHEMINS MÈNENT AU RHUM
«- Je partais soldat. Je revenais hors-la-loi. »
Après Gone baby Gone, The Town et l’oscarisé Argo, Ben Affleck avait prouvé qu’il était plus convaincant comme réalisateur qu’en tant qu’acteur. Live by Night, à ce titre, va sans aucun doute faner sa réputation de golden boy (le film est un échec financier au box office). Des quatre films, c’est, de loin, le moins palpitant, le plus présomptueux et le plus insignifiant.
Cependant, il ne faudrait pas tout jeter. Affleck a juste cumulé trop de bonnes intentions tout en se soumettant à une surdose de compromis. Cela rend Live by Night romanesque mais passablement ennuyeux (le montage souffre de quelques défauts), beau mais superficiel. Un roman de gare bien mis en (belles) images. Noyé sous les influences – les films avec Bogart ou Cagney – cette adaptation du roman de Dennis Lehane (qui a fournit Mystic River et Shutter Island à Hollywood) essaie de renouer avec un cinéma de l’âge d’or, sans le rénover. On pense à des films à Havana avec Robert Redford, à l’ombre de Warren Beatty vieillissant, à ces épopées d’anti-héros où la romance est langoureuse, l’action un peu datée et parcimonieuse (une course-poursuite punchy, une mitraillade collective en huis-clos pour le final) et les tourments plus mélodramatiques que psychologiques.
Un beau livre d'images
Nous sommes dans les années 1920. La prohibition de l’alcool enrichit les mafias (italienne et irlandaise) par le marché au noir. Dans cette guerre entre clans, loin de la flamboyance opératique du Parrain, à des miles d’un film noir poisseux. Tout est élégant, stylisé, sentimental et finalement assez classiques. Chantages, braquages, tabassages, trahisons et manipulations ponctuent le parcours de cet autodidacte, gangster et fils de flic, irlandais mais s’alliant avec des Cubains, ancien soldat haïssant l’absurdité de la guerre et rejetant la soumission aux ordres, devenu chef de gang ambitieux. Ben Affleck l’incarne efficacement, mais ne lui donne aucune aspérité. Trop lisse, son jeu ne permet pas de se soucier des menaces qui pèsent sur lui ou de se sentir piégé entre ses dilemmes.
C’est tout le problème de Live by Night. Le film ne semble être qu’un beau livre d’images, où même les situations les plus tragiques, la folie des êtres qui peuplent ce récit sont filmées superficiellement, enchaînant les séquences bien exécutées comme on feuillette un bon magazine de mode. Il manque une noirceur, une profondeur pour qu’il dépasse son statut de production clinquante. Il n’y a aucune tension, aucune empathie à l’égard des personnages, hormis ceux des deux pères – flics touchants (seuls personnages intéressants, figures de la morale, et se substituant l’un à l’autre pour jouer les arbitres de cette sombre affaire).
Putsch dans la pègre
Cette banale histoire de vengeance, noyée dans les rebondissements, gavée de personnages secondaires inégaux, a quand même quelques intérêts. Parabole d’un pouvoir qu’on veut conserver à tout prix, Live by Night explore une Amérique souterraine où la Loi n’a pas sa place. Le plus passionnant est cependant ailleurs : dans sa vision de l’Amérique de l’époque, qui fait écho à celle d’aujourd’hui, avec son racisme ordinaire (et le KKK tout puissant) et sa religion omniprésente (et ses évangélistes aveuglants). Prédicateurs et pécheurs s’opposent dans cette histoire faisant l’apologie du métissage et démontrant la stérilité du communautarisme. Film anti-Wasp, Live by Night, derrière sa partie de billard à trois bandes, aurait pu se transcender avec ces gars venus des sous-sols faisant un putsch sanglant contre les aristos sans foi ni loi.
Malheureusement, Ben Affleck a voulu être trop gourmand et à trop vouloir étreindre tous ses sujets, il embrasse mal son projet. Il n’a pas su s’affranchir de ses références ni du genre auquel il rend hommage. Accumulant les stéréotypes des personnages et les clichés visuels, Live by Night a plus l’apparence d’une bonne copie que d’une œuvre singulière et justifiée. vincy
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