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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Rosenstrasse
Allemagne / 2003
09.06.04
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MARIAGE MIXTE
"- On finira peut-être dans un four, comme Hansel et Gretel..."
Les bonnes intentions ne suffisent pas à faire, parfois, de grands films. Il n'y a rien à reprocher sur le sujet ou même la vision de l'auteur, von Trotta, dans cette production hybride. Car le souci provient bien du traitement. Il y a deux histoires dans ce film, et au final, aucune des deux n'a d'impact. La partie moderne, tire-larmes garanti dans le budget, repose trop sur ses comédiennes et perd le spectateur en route. Le scénario se perd dans les non dits. La psychologie des personnages devient confuse pour ne pas dire incompréhensible. Aucune explication sur les motifs de chacun si bien que nous assistons à des scènes où mère et fille semblent surtout lunatiques. Il manque quelques chaînons pour adhérer aux changements d'humeur. Ca ne fonctionne pas.
Il faut dire que l'autre partie, celle de 1943, prend de la place. De plus en plus. Au point de dévorer la chronique d'une juive new yorkaise en recherche d'identité. Et au final, la reconstitution historique manque d'épaisseur, de fluidité. La succession de souvenirs freinent l'attachement aux personnages. Ce "deux films en un" atteint ses limites rapidement.
Cependant, le talent de la réalisatrice permet de nous intéresser aux deux histoires et au film dans son ensemble. l'ennui ne guette jamais. La photo est soignée. les comédiennes sont magnifiques, avec mention spéciale pour Katja Riemann, la seule à avoir un rôle vraiment construit et assez rationnel. Là où von Trotta touche juste c'est avec son message : transmettre la mémoire, par l'oral, par l'échange, par le cinéma. Mais dans ce cas pourquoi ne pas condamner celle par qui le crime arrive, celle qui ne dit pas ce qu'il s'est passé?
Le cinéma de von Trotta est clairement politique mais trop emphatique, rarement critique. Elle ne cherche pas à dramatiser les enjeux, il n'y a qu'une dramatisation des vécus et des sentiments. cela manque de rage, jusque dans la colère de ces femmes qui piétinent la Rosenstrasse.
Trop sage? Von Trotta est avant tout victime de son époque. A trop vouloir créer des personnages qu'elle admire, elle oublie de mettre en scène ceux qu'il faut haïr, ce qui empêche une quelconque confrontation. A trop vouloir montrer le pardon, la compréhension des êtres, la réconciliation entre les époques, elle enlève tout contraste nécessaire à comprendre le lien entre le passé et le présent. Seules ces vues de Berlin construisant son nouveau visage, comme pour amnésier les fantômes qui la hantent, nous permettent de comprendre à quel point nous sommes proches de tout oublier, déjà.
Le tourbillon de souvenirs est finalement assez classique et bizarrement bourgeois pour ne pas dire élitiste. Presque lisse. Une longue complainte mélancolique où chacun semble hors de son époque, dans ce temps en plein chaos. Histoire de femmes, histoire de roses. Les hommes attendent. C'est là le vrai mérite du film : l'homme impuissant, voire ridiculisé. Il faut toute la culture féministe et générationnelle de von Trotta pour castrer à ce point les mâles : au cimetière, handicapés, sans pouvoir ou avec trop de pouvoirs, ou même trop gentils. Bref l'homme n'est jamais à sa place et devient un encombrement pour ces femmes. Bien sûr elles réclament leurs hommes. Mais elles se battent entre elles, et ne partagent qu'entre elles certains souvenirs.
Trop. Humaniste. Féministe. Trop et du coup pas assez. Trop d'histoires et pas assez d'Histoire. La cinéaste est confuse, partagée, incapable de nous démontrer son propos. Il manque une alchimie. Le récit l'emporte sur le cinéma.
Reste un film intéressant, même si maladroit. Bien filmé, mais pas assez bien écrit. Bien joué, mais sans éclats. Ni monotone ni passionnant. Gris, comme ces façades d'immeubles d'un Berlin aujourd'hui disparu. vincy
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