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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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DESSEIN
" - Tu connais la différence entre une mère juive et un Rotweiler ? Éventuellement, le Rotweiler lâche prise."
Max aurait peut-être du s’appeler Max & Adolf, ou Les Liaisons dangereuses. Car le titre masque le véritable enjeu de cette histoire. À une époque, très bien décrite historiquement, où les idées, aussi bien politiques qu’artistiques, étaient de véritables enjeux intellectuels, le film dépeint deux destins diamétralement opposés, et qui pourtant se croisent : un homme des arts, juif, handicapé à cause de la Grande guerre, et "une sorte de futuriste mystique dérangé", soldat humilié, harangueur révélé, et tyran à venir.
Il y a bizarrement peu de différences entre cette époque et la nôtre : émancipation sexuelle, obsession de la bourse, prix exorbitant de l’art, fascisme rampant. "On est peut-être dans l’air de rien". Max est incarné au delà du brio par John Cusack, entre Stewart et Tracy, sublime et séducteur, laissant Spacey à ses rôles trop fades. Il représente une résistance, une intelligence et même un ultime sacrifice face à une certaine fatalité. Son combat est vain, et pourtant si juste. Il défend la légèreté de la vie plutôt qu’un radicalisme idéologique. Le film se laisse ainsi séduire par l’existence d’une philosophie de vie séduisante pour compenser la noirceur de ce final annoncé.
Cette oeuvre esthète et raffinée, psychologique et politique, nous apparaît étrange. On aurait pu l’imaginer en best-seller, à la manière de The Hours, ou en pièce de théâtre, comme "Le Souper". Ces personnages déments et décalés ne peuvent que nous fasciner. Face à la genèse de la propagande, des mots à l’art, le spectateur se sentira peut-être désemparé. Car nulle action ne viendra le sortir de cette spirale vers la menace qui pèse sur Max. Le cinéma est peu présent et seule la beauté des images et le grand talent des acteurs, la force du sujet et le potentiel de la confrontation, nous aident à rester en dans cette interaction avec l’écran. Le charme prend peu, le film est sans doute trop cérébral. Il aurait fallu plus d’excès et de folie, à l’instar de ses deux protagonistes.
Ce n'est pas étonnant puisque le réalisateur est avant tout scénariste. Le scénario est magnifique, mais il manque une dynamique lyrique à nous émouvoir quand Adolf perd son dernier rêve d’être autre chose qu’un dictateur et Max qui perd son insouciance à croire que les juifs seront protégés. Le plaisir d’écriture ne suffit pas pour que l’observation sorte de l’inventivité. Cette histoire de cinglés se prend presque trop au sérieux.
Mais comment ne pas l’être en écoutant les discours orduriers et galvanisés par Hitler, peintre frustré ? Noah Taylor est saisissant. A lui tout seul, il nous montre quels sont les germes de l’apocalypse.
En cela, ce film est passionnant, historiquement. Son scénario, audacieux et talentueux, oublie simplement de nous frapper. Il préfère nous laisser un goût un peu amer, une saveur subtile mais trop peu durable pour nous marquer au delà de ses atouts propres que nous avons décrits. vincy
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