Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Nathalie


France / 2004

07.01.04
 



LA PERVERSITÉ CATHARTIQUE





"- Nous nous sommes éloignés.
- Non. C’est toi qui t’es éloigné. Ne décide pas pour moi.
"

Le sixième film d’Anne Fontaine a quelque chose de troublant. Ce beau portrait de femme, porté par un solide et subtil scénario (comme dans les précédents films de la réalisatrice), nous entraîne dans une progression très construite de l’histoire. Catherine est une femme terriblement blessée par la découverte des relations extraconjugales de son mari. Même si ces dernières ne sont que sporadiques, et même si Bernard lui affirme que ce n’est rien et que c’est normal au bout de tant d’années, sa vie en est profondément bouleversée et ses valeurs volent en éclats. Anne Fontaine s’attache à ce personnage déboussolé en lui faisant prendre un chemin surprenant : pour affronter cette situation, Catherine ne choisit ni la fatalité ni la compréhension. Elle opte pour une sorte de stratagème salutaire. Son choix d’engager une entraîneuse pour avoir une relation avec son mari et lui en raconter tous les détails est en fait un combat pour recouvrer sa dignité de femme. Le film montre très bien cette situation ambiguë qui pourrait être prise pour une démonstration de masochisme, mais qui n’est en fait qu’un moyen de se remettre d’aplomb.
Catherine, en mettant en scène la relation adultère de son mari puis en s’immisçant dans cette relation au travers des mots de Marlène, choisit de ne plus subir les tromperies de son époux, mais au contraire de les maîtriser en les créant de toutes pièces et en les observant de l’intérieur. Après avoir eu le sentiment d’être reléguée au néant (en étant niée en tant que femme aimée et unique), elle accède de nouveau à une intimité avec son mari et à la sexualité.

Vous l’aurez compris, les personnages et l’histoire de Nathalie ne sont pas des plus simples. Et l’on retrouve ici quelques-uns uns des thèmes chers à la réalisatrice de Nettoyage à sec et de Comment j’ai tué mon père, à savoir quelque chose qui relève de la perversité et du sulfureux. Mais la perversité n’a jamais rien de profondément et de volontairement nuisible. Elle n’est là que parce que les personnages cherchent à réagir face à une situation et des évènements (ou un passé) douloureux. Le côté un tantinet retors de ces deux femmes est touchant dans la mesure où il est motivé par une sorte de catharsis : Catherine est instinctivement poussée à construire ce machiavélique stratagème afin d’avoir de nouveau accès à elle-même, à la sexualité et à l’amour de son mari, tandis que Marlène entre dans le jeu proposé par Catherine pour connaître quelque chose qui lui manque, à savoir une relation régulière avec un homme, mais aussi avec une femme. Les relations nouées entre Catherine et Marlène sont une part importante de la dimension sulfureuse du film. Ces deux femmes, à travers le contrat qui les unit et les rendez-vous réguliers qu’elles se donnent, se rapprochent autour d’un lien très fort. Malgré la rigidité de leurs rencontres (même si certains rendez-vous sont assez libres, comme ceux de la patinoire ou de la boîte de nuit, la plupart rentrent strictement dans le cadre du contrat et des comptes-rendus de Marlène sur sa relation avec Bernard), on sent que ces deux femmes sont liées par quelque chose de très fort qui les soutient dans leur propre solitude.

Anne Fontaine jongle parfaitement avec la complexité et les paradoxes de ces personnages ainsi qu’avec la perversité et le sulfureux diffus qui règnent dans son film. Comme Nettoyage à sec et Comment j’ai tué mon père, Nathalie a quelque chose de froid et d’emprunté. Dans sa peinture des liens retors entre les personnages, la cinéaste met en place une atmosphère clinique quelque peu glaçante. Néanmoins, cette dimension froide est un peu moins forte que dans les deux films précités du fait de l’univers bourgeois qui y est un peu plus chaleureux, mais aussi, et surtout, du fait de l’incandescence de Fanny Ardant et d’Emmanuelle Béart. Chacune dans leur genre, les deux comédiennes illuminent le film. Fanny Ardant, en femme délaissée et blessée, est d’une beauté ténébreuse et émouvante. Quant à Emmanuelle Béart, dont le personnage peut paraître un peu trop maniéré au début, elle devient de plus en plus touchante et magnifique au fur et à mesure que se dessinent son désarroi et sa solitude.
Un mot enfin sur Gérard Depardieu qui tient une place de choix dans ce duo machiavélique de femmes. Même s’il est moins présent que ledit duo, le comédien incarne ici avec beaucoup de pudeur un personnage beau et attachant. Et sans oublier Judith Magre dont la truculence est irrésistible.
 
Laurence

 
 
 
 

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