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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Mischka
France / 2002
20.02.02
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CLASSE TEMPO
"- T'en fais pas papa, chacun son petit rythme."
Pourquoi titrer le film Mischka ? Ce road-movie provincial dépeint aussi bien les points de vue de Mischka que ceux des autres protagonistes. En dépit de cette incohérence nominale, les pérégrinations de cette troupe de personnages insolites inondent généreusement le spectateur de séquences ou plans-séquences folkloriques et fantaisistes, afin de fuir le décor figé d'une vie routinière fort oppressante.
Dès le générique de début, la caméra s'amuse à parcourir les nervures de mains anonymes, comme pour montrer d'entrée de jeu l'obsessionnelle fascination de l'auteur réalisateur acteur Jean-François Stévenin pour les enchevêtrements de destins dans l'existence des êtres humains. Le hasard, la soif de liberté, les rencontres inattendues, la création de liens indéfectibles sont des thèmes qu'il affectionne avec nostalgie et qu'il incorpore dans ses films quasi instantanément.
Certes, le déroulement de l'intrigue fonctionne à partir d'une piste narrative minimale, la recherche d'une famille authentiquement aimante (" une vraie famille, ça se choisit "), pour tergiverser vers une série éclectique d'épisodes tantôt anecdotiques tantôt basiques. D'un gueuleton convivial et franchouillard autour d'une table de Courte-Paille (" un vaisseau spatial" comme le souligne si bien le petit frère de Jane) à des courses effrénées en fauteuil roulant, tout sert de prétexte à la fondation et à l'entretien d'une communauté amicale. Le film se suffit à une imbrication de morceaux de vie, d'instants impromptus partagés entre des personnages farfelus et marginaux.
Chaque protagoniste pétille par son charisme peu ordinaire et sa lutte vertueuse contre un environnement imposéÉ D'abord Gégène, ex-alcoolique récidiviste, qui s'amuse à secouer ardemment, à revivifier puis à métamorphoser la triste dégaine de Mischka. Il creuserait ciel et terre pour retrouver sa fille tant désirée. En vain. Quant à Jane, elle jouit intensément de ces moments de liberté que lui offrent sa fugue familiale et ses nouveaux amis, dont la sulfureuse Joli-CÏur, ex-choriste pour rock-stars. Son tonus et sa bonne humeur en toute circonstance insufflent au film une joie de vivre éblouissante.
Mischka, lui, se pose en observateur jouissif. Il s'impose comme un vieillard massif (le regard presque éteint) lâchant, par bribes éparses, des réflexions mordante et agressives. Ce sont probablement les effets vaporeux de l'alcool qui lui valent ces quelques bonnes répliques. Se laissant trimbaler d'escale en escale, il suit le fil des aventures des uns et des autres, dans un état d'apathie un tantinet somatique. Il en arrive même à s'écrouler dans ses états éthyliques les plus féroces. Le reste du temps, seul son visage réagit aux signaux que lui renvoie le monde extérieur. De toute manière, il s'est éclipsé du quotidien abasourdissant de la famille et c'est tout ce qui compte à ses yeux.
Jean-François Stévenin parvient à biaiser le spectateur avec des changements brusques d'univers. Muller, souffre-douleur de Gégène et consorts, apparaît comme un personnage un tantinet benêt au comportement fort puéril, notamment lorsque le petit frère de Jane lui blesse l'arcade sourcilière au cours d'un jeter de canettes dans un vide-ordureÉ Peu crédible donc. Surtout quand il raconte à Mischka sa rencontre avec Johnny Hallyday, icône intouchable du rock'n roll : après un accident, Muller, alors pompier volontaire, serait la première personne que Johnny aurait vue en sortant du coma ; depuis, la star viendrait lui rendre visite chaque été. Quinze minutes s'écoulent. Un hélicoptère atterrit en plein milieu du champ et Johnny s'avance sereinement vers Muller tel un extra-terrestre... Il le salue amicalement, le soigne et porte tendrement l'enfant dans ses bras jusqu'à l'hélicoptère. Scène surréaliste. Inimaginable. Muller nous a tous bluffés ! Cette rupture d'univers intervient également quand Jane et Joli-CÏur se glissent insidieusement dans les coulisses d'un concert de Johnny, filmé par une caméra d'amateur (ce truchement stylistique rompt littéralement avec le mode de filmage des autres séquences). Cette ancienne danseuse et " sexy girl " de Hallyday n'avait pas inventé de supercherie gratuite, en prétendant avoir fait du chemin avec des artistes mythiques.
Curieux brassage de sensations. Jean-François Stévenin ne souhaite pas rigidifier son intrigue narrative dans des jeux préconçus et privilégie les issues aléatoires : " L'important, c'est que le film devienne comme un gros bouquet de vie ". Malgré quelques flottements oniriques ici et là, Mischka est un pari réussi pour faire des petits miracles de la vie, un bonheur frais et délicat. agnès
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