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L’INTIMITE
« Il faut que je me voie. Il faut que je me voie. Je ne sais pas. Je ne sais plus qui je suis. Je ne me suis pas vue depuis si longtemps ! »
Ne dis rien mérite assurément ses sept Goyas. Que de belles choses en perspective !. Une superbe réalisation, des comédiens hors pairs, une histoire lipide, touchante de vérité et de justesse. On pouvait s’attendre à quelques aspects racoleurs eus égards au contexte du film : les violences conjugales. Un sujet sensible, hyper médiatisé, ainsi souvent formaté et hélas très simplifié. Iciar Bollain brise les codes usuels et nous offre un véritable travail d’orfèvre. En parfaite synergie les uns avec les autres, mise en scène, jeu d’acteurs et scénario tire le film vers le haut. Lyrisme, romantisme pictural, réalisme contemporain : la mise en scène mélodieuse d’Iciar Bollain flirte délicatement avec quantité de registres artistiques et littéraires. Lumières, couleurs, hiérarchie scalaire et rythme poétisent son langage. La réalisatrice se révèle portraitiste ; de femmes, bien sur, mais aussi d’hommes. Son regard épuré va à l’essentiel : la relation avec soi-même et l’autre. L’humain, dans ce qu’il a de plus beau, mais aussi de plus abominable, de plus constructif et nuisible ; dans les deux cas de plus générateur. Les violences conjugales, physique et psychologiques : la réalisatrice ne s’y arrête pas, mais dépasse le sujet pour récupérer son essence même ; la notion d’échanges. Echanges, avec soi-même et avec l’autre. Echanges dysharmonieux, mal exprimés, violemment exprimés, manquants, latents, naissants. Quels qu’ils soient, il s’agit toujours d’échanges.
Cette histoire de couple à la dérive nous est exposée selon les points de vues, ressentis, peurs et aspirations des deux personnages : une fois séparés, Pilar (Laia Marull) comme Antonio (Luis Tosar) se retrouvent face à eux-même. L’interdépendance psychologique brisée, arrive une obligation de retour sur soi. Au centre du film : leurs introspections mutuelles, évolutions, quêtes et éclosions psychologiques. Des thèmes irrémédiablement optimistes, malgré le contexte. Ne dis rien est un drame, certes. Mais, à l’image de la vie, jamais unicolore, ce film est un balai d’ambiances très panachées, allant de l’ironie à l’allégresse, de la sensualité au jeu d’intellects. Réunions et conversations féminines à la Almodovar, répliques et situations se jouant des décalages interpersonnels, autodérision, … Ne dis rien ne manque pas de ressort. Il serait donc presque redondant de souligner toute la spontanéité et l’étonnante ferveur des comédiens ; des deux acteurs principaux mais aussi de tous les autres, interprétations de l’entourage familial, des relations amicales et groupes de thérapie, incluses. Aucun ne manque à l’appel. Le résultat est jubilatoire. En solo comme duo, Laia Marull et Luis Tosar sont sublimes. Les deux comédiens crèvent l’écran, incarnant toute la force et la fragilité de leurs personnages : une femme et un homme à fleur de peau. Engrenages, quêtes d’idéaux, intimité, désacralisation de la violence pour ouvrir le débat : Laia Marull et Luis Tosar soutiennent, jusqu’à magnificence, chaque courant qui traverse le film. Volubiles dans le silence, simples, authentiques dans la complexité, organiques et ardents dans la douleur comme la béatitude, les deux comédiens s’abandonnent entièrement à leurs personnages. Epatants ! Ne dis rien nous parle de destruction, de cruauté morale et autodestruction par le biais de faits et mots foncièrement humains. Passion, lâcher-prise, confiance, légèreté, liberté, libre-arbitre : Iciar Bollain cristallise les ambiances et sentiments pour nous offrir un film vrai. Un film respirant. A vous de capturer ce souffle. sabrina
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