Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Spider-Man 2


USA / 2004

14.07.04
 



HEROS REFOULE

Le livre Bye Bye Bahia



"- Patron, votre femme a perdu votre chéquier.
- Bonnes nouvelles!
"

Plus de jus dans le poignet? Plus capable de grimper aux murs? Aussi seul que le phallique Empire State Building? Spider-man 2 a tous les troubles de l'impuissance. L'impossibilité de Peter Parker à assumer sa personnalité et à avouer son amour pour l'objet de ses désirs l'oblige à revoir à la baisse ses prétentions viriles de mec invincible. Le cerveau l'emporte sur le muscle. Et c'est une bonne nouvelle! Spider-Man 2 pourrait s'intituler la vérité révélée des atermoiements d'un jeune homme mal son costume de super héros.

Vu comme ça, vous prenez peur. On vous aurait transformé Maguire en Hamlet : Tobey or not to be. Vous n'auriez pas tort. Il y a de la tragédie shakespearienne dans ce royaume pourri de Gotham, où chaque personnalité est duale, tiraillée par ses contradictions. La très séduisante Kirsten Dunst doit choisir entre deux amour. Le très beau James Franco n'est pas capable de tuer le père qui le hante et de tuer son meilleur ami, pourtant cible de sa vengeance.
Ne parlons pas de Alfred Molina (tout en charme et en vilenie), monstre complètement maboule avec ses tentacules intelligentes qui brouille sa pensée. Cette bande de schizos n'a rien à envier à Peter Parker / Spider-Man qui, pour le coup, tombe le masque, et montre son vrai visage. On est ici bien plus proche du super héros Batman façon Burton. Car Parker est maladroit, toujours en retard, pas à sa place dans la société, et source de quiproquos ou de comiques de répétition - le film ne manque pas d'humour. Un raté, ce Parker? Un mec comme les autres victime d'un libéralisme sauvage dans un monde cruel. On pourra juste reprocher que c'est un Aziz qui vire le pauvre Parker et un Ditkovich qui le harcèle pour son loyer. heureusement, il y cette Amérique éclairée, éprise de poésie, d'amour ou jouant Oscar Wilde. Même l'Amérique se dédouble dans ce film.

Dans de jeu d'âmes damnées, où chacun subit sa malédiction - le don de Spider-Man, la mort du père de Harry, la mort de la femme du Dr. Octavius... - Sam Raimi tisse sa toile. Le film offre une palette intéressante de tous les genres du cinéma, de la comédie au film d'action, du drame humain à l'horreur. Celle-ci peut-être pastichée (la blondasse qui hurle de peur comme dans les films catastrophes) ou référencée (la séquence dans la salle chirugicale, sans une goutte de sang, est particulièrement terrifiante). La fluidité de la mise en scène pour passer d'un genre à l'autre, la richesse du scénario qui n'hésite pas à étoffer psychologiquement chacun des personnages permettent à cette aventure d'aller au delà de nos attentes.

Car ici Spider-Man n'est pas là pour sauver Gotham - ça reste accessoire, et ironiquement ce n'est pas lui qui résoudra la menace apocalyptique. L'enjeu est plus important : la quête d'identité. Raimi donne de la place aux dialogues, à l'émotion, aux sentiments. Et même l'action est à la source de l'évolution du personnage : en sauvant sa tante, il va chercher une rédemption, en sauvant tout un métro aérien, il va enfin dévoiler son visage. Ces deux dernières séquences étant les plus marquantes pour le fan avide de divertissement. Mais là où Raimi est plus malin que dans le premier épisode, c'est justement en revenant aux préceptes qui ont fait le bon cinéma, en multipliant les cadrages inattendus. Plutôt que de nous filmer, à la Emmerich, une voiture allant écraser la foule, la caméra, souvent subjective, préfère fixer les visages effrayés à l'idée de recevoir la bagnole sur la tronche. On peut dire que Spider-Man 2 est davantage un drame sentimental qu'un simple film à effets spéciaux. Ces derniers oscillent entre haute voltige un peu irréelle, pour ne pas dire "cartoonesque", et un brio indéniable au service de l'action. Tout comme le prétexte du scénario, avec Dr. Octavius, clamant, ridicule, "la puissance du soleil dans la paume de ma main", ne cache pas tous les liens complexes qui se tissent entre les personnages récurrents. La détresse affective de chacun (nos héros sont plus que malheureux), leurs déceptions face à des promesses intenables, leurs trahisons par rapport à la confiance de chacun, en fait presque un film chorale où la responsabilité de tous est mis à rude épreuve. Comme si tous passaient à côté de leur vie.

En tout cas, Raimi, lui, ne passe pas à côté de son film. On pourra regretter quelques écarts, infimes : le discours lénifiant de la tante pour justifier, "labelliser", le concept du super héros (I need a hero!), le boss du journal trop grotesque (à moins qu'il ne symbolise les décideurs d'Hollywood), l'effet néfaste de la presse un peu trop caricatural, ... ou même la présence étonnante d'un métro aérien dans Manhattan. De Peur sur la ville à Speed en passant par Men in black ou Bad Boys II, le cinéma adore le métro... Rien d'original donc de ce côté-là.
C'est du côté des humains qu'il faut regarder : leurs corps qui souffre, leur visage enlaidit par l'effort. Le casting habite proprement ces rôles de jeunes Américains piégés dans un "drame qui les dépasse", comme le dit si justement Parker. Maguire a d'ailleurs le physique idoine, encore enfant, pas tout à fait adulte, pas vraiment beau, mais suffisamment charismatique. Confrontés à un choix, à leur libre arbitre, cette histoire est bien celle d'un destin, et de ses erreurs, de ses doutes. Le final offrira quelques ultimes rebondissements dramatiques et ne résoudra pas tous les problèmes. De quoi envisager un troisième épisode, certainement moins romantique, dans le sens littéraire du terme. Car Spider-Man, pourtant bien chaste, quand il retrouve ses pouvoirs, sait s'envoyer tout seul au septième ciel. Pour une fois, on a été ravi de l'accompagner dans cet univers de ruelles glauques, de toits isolés, et d'horizons sans limites.
 
vincy

 
 
 
 

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