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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Folle embellie
France / 2004
07.07.04
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PLONGEE DANS UN NID DE COUCOU
La violence et la beauté du film de Dominique Cabrera n’est pas sans rappeler certains tableaux de Goya. La guerre et la folie sont montrées avec calme et rondeur. Par la douceur, voire la volontaire (mais fausse) candeur qu’elle fait planer sur sa mise en scène, la réalisatrice parvient à restituer le décalage émotionnel caractéristique des maladies dont sont atteints les personnages. Sur un sujet difficile et risqué, Folle embellie réussit un petit exploit cinématographique. Sans jamais sombrer dans la caricature ni, à l’inverse, la plate description pathologique, les deux pièges du film réaliste, le film trouve un équilibre humain. Le spectateur est mis sur un tel pied d’égalité que la folie des protagonistes se révèle progressivement contagieuse. Le temps de la projection, un monde à part se dessine. En effet, la propension naturelle du spectateur à l’identification ne trouve de figure que dans la totale irrationalité de ces esprits torturés. Seul de très rares saints d’esprit sont croisés sur ces routes à feu et à sang. La stabilité salutaire qu’ils procurent à ce road-movie à pieds est toujours fugace et le malaise qui plane demeure tout au long du film. Dans la très belle scène de début, l’hallucinant Jean-Pierre Léaud (Fernand) pousse la grille de l’asile, dans un chaos indescriptible. Le dehors et le dedans fusionnent alors par le truchement de la guerre. Le flot des populations du monde dit normal, en exode devant les portes de l’asile, emporte inexorablement le fou et sa petite famille qui avaient d’abord tenté le braver contre le courant humain. Naturellement, l’absurdité ambiante leur est finalement familière. Ces paysages violés, à la violence sourde, ne les dépaysent pas. Souvent, au détour d’un camion renversé, Alida (Miou-Miou) et les autres s’attardent calmement sur des corps ensanglantés. Les cadavres qu’ils interrogent impassiblement, du fond de leur folie mutuelle, sont autant de petits îlots d’humanité déstructurée, de petits "Guernica", d’une force expressive rare. Peu à peu, l’indifférence et la soudaine liberté que leur octroient passivement, dans un premier temps, ces médecins laxistes par la force des choses et, plus tard, les populations occupées à fouetter d’autres chats, sera le lieu de naissance d’un fragile bonheur. Cette aventure semble d’abord ne pas trouver d’objectif. Ils errent sans but, sacrifient certains d’entre eux sur le bûcher de la cohérence délirante d’un Fernand tyrannique dans sa paranoïa. Pourtant, plus tard, lorsqu’ils sont acceptés dans une ferme, en contrepartie d’un travail, ces quelques insensés trouvent un sens. C’est là que le film découvre son aspect politique. Folle embellie est ainsi une proposition utopiste, un peu datée ; une vision libertaire de la psychiatrie. Au delà de ce léger fourvoiement, et de quelques scènes ratées, le film donne à voir et à percevoir de précieux moments de trouble, en accord avec les perceptions instables des personnages, et cela, sans aucun subterfuge visible, qui font de Folle embellie petit grand film. axel
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