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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Panic Room
USA / 2002
24.04.02
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DOORS WIDE SHUT
"- Qu'est ce qui se passe?
- Des hommes! Il y a des hommes dans la maison !"
Sortant sur les écrans en pleine période électorale française, voilà de prime abord un film en prise directe avec les programmes bourrés de promesses répressives et protectrices de nos candidats axés vers la droite comme vers la gauche. L'insécurité régne en bas de chez vous, on en veut à vos proches adorés, à vos biens les plus précieux, vous êtes donc instament priés de vous faire du soucis. Ballotté dans un consumérisme débonnaire tout un chacun s'applique à préserver la petite bulle d'oxygène - non polluée si écologiquement possible - dans laquelle il s'est installé confortablement, en craignant toute contrariété venant de l'extérieur. Là où certains auront recours au bulletin de vote pour tenter d'exorciser leurs craintes les plus primaires, les plus fortunés sortiront leur golden card pour se verrouiller à double tour dans une chambre forte aseptisée.
Dans l'air du temps, David Fincher s'applique à choisir ses projets en fonction des thèmes qui lui permettent de mettre en évidence les tourments contemporains de l'âme humaine et d'observer ses soubresauts dans un espace urbain aliénant.
On se souvient dans Se7en, du détective William Somerset, interprété par Morgan Freeman, qui au seuil de sa vie de flic citadin semblait avoir été vidé de toute substance par son environnement. De Jack, le cadre en rupture de Fight Club qui faisait péter son appart chic et étiqueté Ikéa pour se soustraire au système. Ici Fincher précise sa remontée aux sources des racines du mal de vivre en société moderne. Meg Altman - Jodie Foster - croit sans trop de convictions prendre un nouveau départ dans son existence lorsqu'elle investit les murs de sa nouvelle demeure luxueuse, mais ses espoirs seront inexorablement ruinés au bout du compte par la nature même de l'être humain qui ne sait se contraindre aux limites du concret.
Précisément dans ce film, ce ne sont pas tant les conventions sociales, les blessures du vécu, que précisément les sexes qui distribuent les fonctionalités et opposent les individus dans leur routine apparente. Panic Room organise en effet une véritable bataille rangée hommes/femmes dans un huis clos étouffant. Personnage à part entière, la maison noue avec chaque protagoniste un lien spécifique. Là où les deux femmes apprennent à se familiariser avec les lieux dans une tentative de domestication, les hommes interagissent et s'affirment dans l'espace étranger tels des prédateurs cupides et mûs par leur rivalité machiste (je veux avoir les couilles d'aller jusqu'au bout dira l'un des intrus pour se donner du cœur à l'ouvrage). Le coeur de la tension du film réside dans une étrange impression d'assister à un viol charnel, au delà de la simple effraction, comme si le corps de la propriétaire avait été transposé dans sa coquille résidentielle. Le réalisateur amplifie cette sensation en utilisant une caméra furtive qui se faufile dans chaque parcelle de l'intimité des pièces de l'habitat.
Prostrée dans un abri de béton et d'acier utérin au sein duquel elle protège sa progéniture, la maîtresse de maison se retrouve dans un premier temps réduite à subir l'assaut des trois hommes, paralysée par la terreur et la violence physique qui transpirent de ces derniers, ne pouvant que contempler l'agression au travers des ses prothèses vidéo. Son passage à l'action libérateur, ne se fera que dans un but de survie renvoyant à l'instinct animal, conférant au personnage une grâce touchante et captant une adhésion légitime. Lot de tout bon thriller, la tension est donc au rendez-vous dans Panic Room même si en définitif un regret peut être éprouvé en ce qui concerne la morale de la fable. Il faudra croire que ce n'est qu'affranchi du matérialisme technologique, de l'appât pécunier que le juste saura trouver son salut. C'est un peu plus expédié qu'à l'accoutumée dans l'argumentation pour le crédit des auteurs qui nous avaient habitués à plus de pertinence subversive, mais on a vu pire dans le cinéma de genre...
Sans atteindre la portée de ses oeuvres précédentes, ni sans renier ses convictions, David Fincher parvient à créer un thriller haletant qui sait prendre le spectateur aux tripes. Exercice de style virtuose, qui permet au metteur en scène d'employer toute la connaissance technique qui a bâti sa réputation, ce postulat de remake de Home alone dépressif trouve une singularité subtile qui justifie largement sa raison d'être. petsss
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