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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Pirates of the Caribbean: The Curse
of the Black Pearl (Pirates des Caraïbes : la malédiction de Black Pearl)
USA / 2003
13.08.03
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PERLE A REBOURS
«- Le pirate le plus affligeant dont on m’ait parlé...
- Ah oui, mais on vous a parlé de moi !!»
Nul ne sait si Gore Verbinski accèdera un jour à la respectabilité qui fait que le public se déplace sur la seule foi du nom d’un réalisateur. Sa carrière ne l’y pousse pas et l’homme semble s’y complaire. Abordant tous les genres imaginables du cinéma pop corn hollywoodien pour étoffer son CV comme d’autres se font un devoir de maîtriser toutes les matières pour remplir leur camembert au Trivial Pursuit, il n’y a définitivement pas d’éblouissement à attendre du besogneux Gore Verbinski. En exagérant un peu, c’est l’intérimaire à tout faire que l’on appelle – au choix – quand un studio a besoin d’une comédie familiale générique avec une souris à mettre en boîte pour lancer son catalogue (Mouse / Dreamworks), coller les morceaux d’un coup de pub prestigieux réunissant deux stars (Julia Roberts + Brad Pitt = le hasardeux The Mexican), voire encore s’échiner dans l’import export (la photocopie de The Ring servie sur commande pour Dreamworks). Il n’est pas embêtant Gore Verbinski, les pointures se bousculent chez lui pour lui confier la confection de leur prêt-à-porter ne nécessitant pour être menée à bien pas grand-chose d’autre que de braves petites mains. Probable que le petit tailleur fut très exalté par ce projet attractif (puisqu’inspiré d’une attraction !), pour autant il se sera acquitté de sa commande avec la fadeur qui le caractérise.
En tant qu’énième tentative pour remettre au goût du jour un genre qui peine à concilier ses attributs historiques avec les codes marketing modernes, les scénaristes et les producteurs semblent avoir trouvé les deux ingrédients providentiels du film de pirates lucratif. Tout d’abord la dérision (il n’est plus raisonnable de faire un film sérieux sur une époque au travers de laquelle le jeune américain ne retrouve pas son quotidien immédiat), ensuite LA MALEDICTION. Cette dernière est d’autant plus intéressante qu’elle est le prétexte idéal pour faire appel aux dernières prouesses technologiques digitales, science inflationniste dans laquelle doit s’inscrire désormais toute œuvre commerciale pour retenir supposément l’attention. Les souhaits ne se réalisent pas toujours à Hollywood et dans le cas de Pirates des Caraïbes, sans crier au naufrage, on ne pourra pas officialiser le miracle. Loin de sublimer la référence qu’ont laissé les classiques (The Sea Hawk pour ne citer que celui là) dans les mémoire des spectateurs les plus chanceux (de disposer encore d’une mémoire cinématographique dépassant sa date de naissance) ce périple de boucaniers dernier cri s’inscrit en fait dans une certaine routine conservatrice d’un canevas immuable. Qui dit flibustier dira donc forcément chasse au magot, donc irrémédiablement Robert Stevenson et son roman archi connu : "L’île au trésor". Ce ne seront pas les points de détail qui y changeront grand-chose. Que la timbale ne soit pas la richesse, mais la rédemption, ça fera à chacun une belle jambe de bois puisque le schéma de la quête reste extrêmement balisé. Les présentations d’usage effectuées, chaque équipe de participants se lance dans une série de courses maritimes incessantes jusqu’à la traditionnelle île exotique (avec la forme de tête de mort !!). Les coups de théâtre se résument à des échanges de rafiots et quelques croisements de fer d’usage qui deviennent rapidement redondants et ne servent qu’à rendre le dénouement urgent. Trop confiants dans leurs options de départ, les auteurs échouent à donner une ampleur épique à l’aventure, se reposant sur la beauté des accessoires.
Alors oui, les bateaux sont merveilleux, les costumes et les maquillages épatants. Mais que ceci est filmé platement et sans aucune inspiration. Jamais Gore Verbinski ne parvient à faire décoller un seul exploit de ses protagonistes. Posant son cadre là où la caméra pourra enregistrer l’ensemble de l’investissement de la production et se refusant à toute audace susceptible de faire naître un rythme ? Une dynamique ? Non rien de tout cela, pas même le fantomatique équipage – si onéreux soit-il - ne parvient à dévoiler sa vraie nature au moment opportun et ni à recouvrir une dimension autre qu’une performance d’imagerie de grande classe. Le résultat sans être écoeurant peut s’enorgueillir de n’être qu’insipide.
Dans ce tableau décoratif passablement routinier, il est pourtant un élément perturbateur qui fera émerger le projet du fond de cale : Johnny Depp. C’est un mystère dans la filmographie de Verbinski, mais le metteur en scène semble avoir trouvé le truc de casting pour sortir ses laborieuses tentatives distrayantes de la plus totale inconséquence. Il nous avait déjà fait le coup avec James Gandolfini et son personnage de tueur homo sensible dans The Mexican. En roue libre, c’est à une jouissive déclinaison de son répertoire que nous convie Depp, acteur auto marginalisé envers les studios. Son Jack Sparrow se situe à la croisée de Ed Wood pour l’ambiguïté et l’absence de tout complexe et du Raoul Duke sur un petit nuage prohibé qu’il composa pour Las Vegas Parano. A la fois dans le film et en dehors, l’interprète récupère subversivement à son avantage une machinerie huilée qui pourra lui en être au bout du compte largement reconnaissante : sabordage réussi… petsss
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