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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Bu San (Goodbye Dragon Inn)
Taiwan / 2003
21.07.04
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REQUIEM POUR UN FOND
"- Tu savais que ce cinéma était hanté?"
Le cinéma d'auteur a toujours aimé se miroiter dans son propre cadre : la toile comme fond d'écran ou fond de commerce. De Cinéma Paradiso à La Chatte à deux têtes, les cinéastes d'ici ou de Navarre font l'éloge funèbre, avec un blues nostalgique ou dans une longue complainte, d'un 7ème Art disparu, essentiellement populaire, ce qui peut sembler paradoxal. Tsai Ming-Liang n'échappe pas à la règle. Ce voyeuriste (rappelez-vous The Hole) qui n'aime rien tant que contrôler le temps (Et là-bas quelle heure est-il?) et l'espace (adepte des huis-clos) met en scène la fermeture d'un cinéma disproportionné par rapport à sa fréquentation. Il en profite pour rendre hommage au cinéma de son enfance. L'époque de la paix et du bonheur, comme le nom de ce cinéma au bout de la ruelle, au fin fond de ses souvenirs.
C'est d'ailleurs un dédale qu'il filme. Des couloirs étroits, des escaliers, des lieux fermés, autour de cette immense salle. Filme-t-il son cerveau avec un fantasme (la réunion de deux acteurs 40 ans plus tard), des pensées étranges (ces hommes qui se jaugent et se frottent du regard), cette lucarne lumineuse (où le projectionniste fume clope sur clope) , chambre de l'imaginaire? Il y a même quelques fantômes...
Déconcertant, le film l'est assurément. Le cinéaste n'en finit pas de ressasser ses thèmes : l'eau qui suinte de partout, qui pleut en trombe, qui se déverse des robinets... L'aquaphile Tsai Ming-Liang laisse les scènes couler au rythme de ses personnages. Le temps est alors humain. forcément quand l'un d'eux boîte, tout se ralentit. Et l'ennui parfois nous assomme... Cependant, le concept, parfois, nous fascine tout autant. D'ellipses en éclipses, de la lumière fulgurante projetée sur l'écran à l'opacité de ce vide communicatif, le film nous renvoie aux sentiments éprouvés face à un film divertissant : il ne reste pas grand chose de tout cette vacuité que nous digérons.
Le contact humain semble impossible. On pourrait les prendre pour des insectes démembrés. Le passé semble impossible à retrouver. Et le dialogue entre réalité et fiction n'a aucun intérêt. Mais tout cela nous le décodons par curiosité, ou affection pour son cinéma. Car, sinon, le film est trop distant, trop pessimiste pour nous emballer. Même l'histoire d'amour ne parvient pas à exister. Les quelques instants de grâce ne suffiront pas pour nous la faire regretter.
Aussi il faut s'attacher au seul dialogue réel du film : celui des personnages avec le film projeté, celui entre les deux films, celui de Ming-Liang et celui au programme du Dragon Inn. Alors quelques plans deviennent magiques : savoir tenir sa cigarette relève de l'art cinétique. Et voir deux vieux messieurs admirer leurs exploits cinématographiques de leurs jeunesses nous ramènent à ce pincement au coeur que tant de réalisateurs oublient de nos jours. De ce cinéma expérimental, quelques scènes offrent une sensation, hélas trop brève, hélas noyée dans une langueur agaçante, de vertige. Tout est démesurément grand et lent. Entre hypnotisme et énervement. Bref inégal. Et absurde. On peut ainsi voir le film comme un proverbe chinois sur la désillusion (par exemple : L'homme est fou de balancer l'eau de la pluie dehors quand il pleut) ou comme une mélancolie persistante sur l'incapacité d'aimer dans un monde en perdition. Dans tous les cas, on se sent tout petit à côté du cinéma. Décidément trop grand pour nous. vincy
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