Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes.



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Rabbit-Proof Fence (Le chemin de la liberté)


Australie / 2002

23.04.03
 



GÉNÉRATION VOLÉE





"- Leurs outils sont néolithiques, mais pas leurs cerveaux."

Pour ceux qui admirent les prouesses de la télévision à nous inventer des spectacles où le citoyen lambda doit affronter toutes sortes de frayeurs (de Fort Boyard à Koh Lanta), voici un film plus fort que Survivor. En effet, cette histoire vraie (c’est peut-être le plus incroyable) n’est pas seulement une question de survie dans un paysage hostile (mais néanmoins sublime grâce à l’image de Christopher Doyle) mais avant tout une affaire de dignité humaine. Ce que ne sont pas les reality-shows.
Le chemin de la liberté, c’est d’abord l’histoire d’un virus : le colonialiste anglais exporté en Australie. Il a transporté avec lui les lapins, sale espèce pour les récoltes. Le virus, logiquement, a dû alors fabriquer un " firewall " long de milliers de kilomètres pour empêcher ses lapins européens d’aller se nourrir de l’autre côté, où de braves paysans cultivaient leurs terres. Le virus apporta aussi de méchantes idées du type "Iloveyou". Voulant exterminer les aborigènes, dont la couleur de peau ne leur revenait pas, les Britanniques ont inventé une forme de génocide légalisé : ils les mariaient avec des " blancs " pour les métisser jusqu’à ce que leur peau perde la pigmentation plus sombre. Pire, ils les enfermaient dans des camps d’éducation (ou de concentration, si vous préférez), pour leur apprendre à vivre à l’anglaise. Une sorte de méthode Michael Jackson.
Atroce, n’est-il pas ? Aussi quand trois gamines (aborigènes) sont arrachées à leur famille pour être placer dans cette école, au nom de la Loi et d’une logique dite scientifique, nous ne pouvons que nous révolter. Comment tout un peuple peut-il être placé sous l’autorité d’un seul homme, libre de décider de chacune de leur vie ? Ces trois fillettes s’évaderont, et nous avec. Traquées et fugitives, futées et déterminées, elles vont nous emmener dans un voyage étrange, ni initiatique ni contemplatif, ni fatal ni moral. Un road-movie comme on en fait peu au cinéma, où l’objet à poursuivre n’est autre que le retour en arrière, la fermeture d’une parenthèse. Le retour avait besoin de cet aller vers l’enfer pour que l’épopée soit complète. Il fallait cette rébellion pour que l’espoir de tout un peuple renaisse, pour que cette libération prenne un sens. Il y a du David contre Goliath dans cette confrontation entre le civilisé et les soi disant barbares.
D’une chasse à l’homme, haletante, Philip Noyce extrait un film à l’écriture expérimentale, où l’absence d’événements permet de craindre le pire à chaque menace. Les tortures, les humiliations, les harcèlements, tous ces cris dans la nuit, ce vent qui hurle ne font que créer le suspens dans nos esprits. Car le scénario fuit les chemins du sensationnel pour ne suivre que cette clôture rectiligne. Il nous invite à une odyssée australienne, aussi belle que palpitante. La connaissance de la Nature par l’aînée des trois aborigènes, cette symbiose innée avec son environnement, facilitera le triomphe de cette adolescente. Noyce filme alors le plus beau : la culture aborigène, ses rites, ses croyances, son expérience de la terre sur laquelle ils vivent. Le mépris et le grotesque, a contrario, envahissent sa caméra à chaque apparition de Branagh, qui excelle en bureaucrate pathétique. Le réalisateur a été inspiré de revenir à ses premiers amours : le cinéma australien, ses paysages couleur de terre, ses peuples antagonistes. Son respect pour les aborigènes est évidemment visible. Ce qui rend le film non pas démagogique mais éminemment sympathique.
Ce film aux allures modestes séduit artistiquement : de très belles images ; une musique adéquate signée Peter Gabriel, une histoire véridique, courte, bien ciselée. Pourtant nous sommes loin des documentaires du National Geographic. Il y a ce souffle de vie, cette authenticité recherchée, cet acte de résistance louable qui en font un grand film, captivant et salvateur. Même si tout cela semble loin, distant, il est difficile de ne pas être touché par cette fille dont l’instinct lui fait tenir tête à la Loi de son Pygmalion venu d’Albion. C’est juste l’histoire, simple et sobre, d’une gamine qui veut rentrer à la maison. Mais il y a une force impalpable qui provient sans doute de ce geste démesuré en quête de liberté. Elle vaut toutes les folies, toutes les passions. Ce chemin nous y mène.
 
vincy

 
 
 
 

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