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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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S1m0ne (Simone)
USA / 2002
18.09.02
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SIMONE A BEAU VOIR...
"- Mon communiqué évoque un différent créatif.
- C'est toi qui n'est pas créative!"
Simone est une créature qui fera beaucoup parler d'elle. Elle engendre le pire et le meilleur, comme le film amalgame le mauvais vaudeville et la réflexion brillante.
Ce film a une particularité : on ne sait pas quoi en penser. En tant qu'objet cinématographique, c'est une comédie satyrique sur Hollywood et les médias, une de plus, qui n'arrive pas à la hauteur de Sunset Boulevard, Bowfinger ou encore The Player et The Producers. C'est en fait l'aspect le plus dérangeant du film. La forme ne suit pas le discours. Le fond du message démontre que l'époque a changé. L'âge d'or est révolu, le cinéma en tant qu'art est une nostalgie déplacée, tout est régit par l'argent. Pour que le cinéma évolue, change, il faut l'apport de la science, des techniques. Rien de faux dans tout cela. Peu de cinéastes réputés ont abordé les nouveaux formats (web, Imax, dessins animés en 3D). Tous les grands réalisateurs se plaignent du formatage de plus en plus contraignant de leurs films. Face à cette avalanche de produits, le 7ème Art est condamné à disparaïtre. Pacino cite Cassavetes à dessein. Qui aujourd'hui pourraît faire ce genre de films avec cette même liberté dénuée d'intérêts financiers?
Simone, il n'y a aucun doute sur son ADN, est un pur produit hollywoodien, axé sur une recette de rentabilité. S'il y a de la subversion, elle est à lire dans le script. Niccol n'est pas parvenu, contrairement à Gattaca, à nous envoyer dans un autre monde tout aussi glacial et terrifiant. A l'instar du scénario The Truman Show qu'il a écrit, un auteur comme Peter Weir y aurait apporté ce qu'il faut d'impertinence. Les images sont fades et banales. Nous assistons à une succession croissante de mésaventures déjà vues.
Pourtant c'est bien du jamais vu qu'il essaie de nous vendre. Simone est une première : un fantasme dont on parle depuis 10 ans dans l'industrie du cinéma. Et si on remplaçait une actrice par une marionnette en 3D. Quel frontière y a t il entre le réel et le virtuel? Où se situe le mensonge par rapport à la tricherie? Peut-il y avoir virtualité sans réalité? Et au final qu'est-ce que la création?
Les questions posées, et les questions apportées, feront certainement l'objet de débats. En cela, il faut remercier Simone d'exister : elle nous confronte à un futur proche d'une manière sensible : en humanisant cet avenir. De même le choix du comédien qui joue avec elle, Pacino, n'est pas anodin. Ils sont une pognée aux USA à avoir la crédibilité nécessaire, l'authenticité réelle et la légitimité naturelle pour critiquer leur statut, leur travail, leur désir de reconnaissance.
Simone, le film, est un magnifique portrait si l'on s'attache au personnage de Pacino, entre ses désillusions, ses rêves, sa folie (artistique) en conflit avec la démence du star systeme. Tout est juste dans ses mots et dans ses actes. La satyre sur les médias est bien plus réussie que celle sur Hollywood, totalement banale. Les médias sont l'otage de cette créature inventée mais leur force est bien de la faire exister, de la rendre vivante.
Dans ce défi, on est déçu par si peu d'audaces, une morale si bancale, gentille, conventionnelle et à peine ironique, des comédiens sans inspiration. Exception faite des deux scènes avec Winona Ryder, où l'on a enfin le droit à une prestation qui nous fait oublier Pacino et Simone. Elle nous fait aussi regretter le temps de sa splendeur (Burton, Scorsese). Même le personnage (bref) de Koteas est mal amené.
La mort du réel n'est pas pour demain, mais elle est annoncée. Le cinéma tourne en rond, se décline de plus en plus médiocrement, ne parvient plus à atteindre cette magie que semble vouloir incarner Simone.
Cette comédie presque burlesque démontre que notre regard est totalement manipulé. Derrière tout cet artifice qui nous éblouit, ce factice auquel on veut croire, il y a une question : ne vit-on pas de plus en plus par procuration et de manière aveuglée?
Il ne reste plus qu'à attendre que Simone joue dans un autre film et devienne une véritable actrice, où elle sera condamnée à être placardisée comme une Jessica Rabbit; et le film ne sera alors qu'une bouffonerie autour d'un sujet complexe, mais passionnant. vincy
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