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Avec Dark Waters, Todd Haynes s'invite dans le film engagé (côté écolo), le thriller légaliste et l'enquête d'un David contre Goliath. Le film est glaçant et dévoile une fois de plus les méfaits d'une industrialisation sans régulation et sans normes. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Sans nouvelles de Dieu (Sin noticias de Dios)
Espagne / 2001
18.06.2003
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VIVEMENT DIMANCHE
"- Comme elle a fait psycho, tout lui paraît bizarre."
Tout aurait pu donner un film manichéen, un simple duel entre Dieu et le Diable, entre Abril et Cruz. Le film aborde naturellement cette lutte universelle du bien contre le mal. Mais ne cherchez pas de morale. Car Dieu ne donne pas trop de nouvelles et son Paradis est au bord de la faillite. Tandis que le Diable gère un monde souterrain surpeuplé, si prospère qu’il en attire les convoitises. Sans nouvelles de Dieu pêche en fait sur son message principal. L’âme à sauver, le prétexte de l’histoire, devient plus l’enjeu d’un duel entre le ciel et l’enfer que l’esquisse d’une philosophie de vie. En cela, nous n’avons pas plus de nouvelles de Dieu. L’espoir est rapidement substitué par de simples calculs politiques qui se résument à une bataille "juridique" entre les "ambassadeurs" incarnés par Fanny Ardant (très chic) et Gael Garcia Bernal (très sexy).
Aussi, le film prend son intérêt, et même son charisme, dans le duo hispanico-fémino-almodovarien réunissant Victoria Abril et Pénélope Cruz. Les deux comédiennes savent imposer très facilement leur personnage contrasté, et leur alchimie (fascination / répulsion) fonctionne à merveille. À les voir se glisser dans leurs rôles avec tant de délices, l’une en diva mélancolique des années 50-60 et l’autre en garçon manqué plus proche des gangsters des années 70, Abril et Cruz se font plaisir et nous l’offrent avec générosité. Abril, actrice géniale et sous employée depuis 10 ans, n’avait pas eu un rôle aussi passionnant depuis Entre les jambes. Et Cruz nous épate de nouveau, enfin, après quelques dérives désastreuses dans des films insipides (depuis Tout sur ma mère). Dans ce thriller mystique, le psychologique n’est pas ignoré et leur permet d’approfondir leur personnage dans une dimension pluridimensionnelle. C’est évidemment aidé par le mélange des genres souhaité par le cinéaste Agustin Diaz Yanes (ADY), qui s’inspire autant d’Almodovar, de Pereira que d’Amenabar. Nous passons ainsi de la comédie musicale façon Gilda au polar le plus noir, en faisant quelques escales dans le suspens à l’américaine ou le film de boxe - un genre en soi.
Cette diversité s’accompagne d’une direction artistique imaginative. Le paradis a des allures de France de la Nouvelle Vague, carte postale des années 50 qui fane encore un peu plus la gloire d’une ancienne puissance artistique. L’enfer n’est pas très loin des déserts californiens, image clichée de superproductions qui dilue davantage la banalité d’une puissance économique. Métaphore cinématographique où le ciel n’est autre qu’un certain cinéma devant affronter par match de boxe interposé un enfer symbolisant un cinéma hégémonique.
Au-delà de ces interprétations, de ces deux visions du monde, de la vie, de l’amour, ADY livre une réflexion sur la confrontation entre un passé nostalgique (avec Abril et Ardant, née avant 70) et un présent tumultueux, sans repères (avec Cruz et Bernal, nés après les années 70). Deux générations d’acteurs, tous séduisants. "C’était une autre époque" entend-on. A quand la construction de la nouvelle, alors ?
Bien sûr, le film est inégal, la fin un peu précipitée et presque confuse, mais le divertissement est réel et les séquences surréalistes, les dialogues percutants, les rebondissements variés en feront immanquablement un film culte, plaisant à revoir. Un puzzle ludo-surnaturel.
D’autant que la dernière image réserve une belle surprise : Penelope Cruz retrouve en effet son vrai visage. Un acteur espagnol très connu. Ironie savoureuse. Dieu n’envoie peut être plus de courrier, mais le cinéma sait encore poster de bonnes nouvelles. vincy
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