Coeurs transis ou coeurs brisés, en un clic fixez sa cote.
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JE VAIS BIEN…
Il y a des années charnières dans la carrière d’un comédien. A quoi cela se voit-il ? Quand l’Elysée demande un acteur populaire de réciter le préambule de la déclaration des droits de l’Homme, le 14 juillet, devant quelques monarques, démocrates et dictateurs… Il devint un symbole. L’enfant du bled, de la banlieue, le rigolo du Club Med, le comique décalé des chaînes câblées, devient alors un symbole, un homme respecté.
En même temps, hormis Dany Boon, qui était plus populaire que lui à ce moment là ? Partageant l’affiche de Bienvenue chez les Ch’tis, plus gros succès français de l’après-guerre,
Merad, après son second rôle dans le film phénoménal Les Choristes, et son César du meilleur second rôle dans Je vais bien ne t’en fais pas, a réussi un parcours triomphal, tout en restant modeste. Comme si tout cela n’était qu’un heureux jeu de hasard où il remporte à chaque fois la timbale.
Musicien, tendance rock, Gentil Animateur au Club Med, tendance Gigolo Brothers, comédien dans des pièces classiques, il a 27 ans quand il se fait entendre sur Oüi FM et rencontre Oliver Baroux. Kad et Olivier. Un vrai cirque ambulant, déconnant, où ils enquêtent sur la mort de Pamela Rose, notamment. La notoriété grimpe et c’est la chaîne Comédie qui les détourne des ondes pour leur proposer La Grosse émission, succédané moins référence et plus improvisé de Les Nuls L’émission.
Cela coïncide avec ses premiers petits rôles au cinéma. Des comédies oubliables, jusqu’aux affiches pas très soignées. Il fait des apparitions et cumule les métiers : directeur d’une maison de disque dans La Beuze, agent immobilier, médecin légiste, motard baba cool … Pas de quoi épater les cinéphiles.
En 2003, avec son compère Olivier, ils écrivent le long métrage adapté d’un de leur sketch récurrent (200 épisodes), Mais qui a tué Pamela Rose ?, pastiche de thrillers américains. Une autodérision mal régulée pour le cinéma et qui tourne à vide. Mais le film séduit un million de fans. Client idéal pour les talk shows, où il part vite en vrille pour décanter un peu tout le sérieux qui l’entoure, il apparaît vite comme un comédien « de proximité », humain, de gauche, mature. Il a déjà quarante ans quand le succès va lui tomber dessus.
Comme beaucoup de comiques, on le choisit pour un second rôle plus dramatique. Balasko chez Téchiné, Blanc chez Blier, Carette chez Malle ou plus récemment les membres des Robins des Bois, tous ont eu le droit à un dépucelage dans le cinéma d’auteur avant de se faire « respecter » par la profession. Comme si « faire rire » n’était pas honorable. La chance de Kad ne fut pas de croiser un grand cinéaste mais d’être une des vedettes du film phénomène de l’année 2004. Les Choristes, image d’Epinal fédératrice, le propulse dans l’univers des comédiens populaires. Il ne prouve qu’une chose : il peut être dans une tonalité qui n’est pas de la déconnade.
Bien sûr les producteurs français continueront de l’employer dans des films (flops) censés faire rire le spectateurs occasionnels (Les Dalton, Iznogoud, …). Pourtant, à le voir dans Un ticket pour l’espace (autre aventure avec son pote Olivier), on se dit qu’il est mieux chez Pef dans Essaye-moi, en français moyen, banal, mais pas forcément drôle. Plus touchant dans J’invente rien, en mec paumé et farfelu. Plus caustique chez Pierre Jolivet dans Je crois que je l’aime. Karin Viard, Elsa Zylberstein, Sandrine Bonnaire, Valérie Benguigui, Julie Depardieu, Mélanie Doutey … Merad pourrait même être taxé de séducteurs du cinéma français, catégorie comédie romantique à moyen budget.
Mais en 2007, le destin s’oriente dans une nouvelle voie. Il reçoit un César. Pour son rôle le plus tragique. Dans Je vais bien ne t’en fais pas, il incarne un banlieusard un peu beauf, un peu bourge, en conflit avec sa fille (Mélanie Laurent), complice avec sa femme, se complaisant dans un secret intenable. Père détestable et en fait trop aimant, il semble abattu et dépassé. Merad, reconnaissons-le, déploie des nuances que l’on n’avait pas vues jusque là dans son jeu.
Les contrats s’enchaînent. On le voit la tête dans les étoiles, tournant avec Deneuve et Béart, jouant le père du Petit Nicolas, faisant le comique dans le mélodramatique Faubourg 36… Pourtant, à jamais, pour les français, Kad Merad sera devenu Philippe Abrams. Homme du sud migrant au nord. Fonctionnaire, style service public maximum. Mix entre les anciennes Colonies et le folklore plouc le plus local. Il est la co-star de Bienvenue chez les Ch’tis, avec Dany Boon. 20 millions de français l’ont vu au cinéma. Mieux que De Funès et Bourvil. On le voit bien en Bourvil. Un grand dadet grave et désopilant, où l’accent populo et la calvitie universelle en font un « gars de chez nous ». Avec ce triomphe, dans la lignée de Jamel Debbouze, Kad Merad banalise la France diversifiée. Il incarne une France intégrée, républicaine, laïque, utopiste. Une France qui respecterait et valoriserait ses maghrébins de deuxième génération. Kad Mérad peut clamer le préambule de la déclaration des droits de l’Homme, être utilisé par l’Etat comme emblème d’une France cosmopolite, on est encore loin de l’égalité réelle…
vincy
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