Coeurs transis ou coeurs brisés, en un clic fixez sa cote.
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INDOLANCE
Surnommé le "jeune prodige" du cinéma canadien depuis son apparition en tant que réalisateur en 2009 avec J'ai tué ma mère, Xavier Dolan n'est pourtant pas étranger au monde du cinéma puisqu'il a multiplié les rôles d'acteurs depuis sa tendre jeunesse. Fils du comédien et chanteur Manuel Tadros, Xavier-Dolan-Tadros est né en 1989 et tourne dans un premier téléfilm intitulé Miséricorde sorti en 1994, avant de basculer vers les séries avec un rôle dans Omerta, la loi du silence en 1996 et L'or en 2001. On le retrouve plus tard inscrit au générique de plusieurs films québécois tels que J'en suis! (en 1997), La forteresse suspendue (2001) ou encore Suzie (2009), et même une apparition hors de ses frontières en 2008 dans le controversé Martyrs de Pascal Laugier. Une jeunesse bien remplie pour celui qui est tombé dans la potion magique quand il était petit. Et de redoubler d'ambition, dont il ne manque pas.
C'est en 2008 que lui vint l'idée de réaliser son premier long-métrage à partir d'un scénario écrit à seize ans. Si le financement s'avère difficile, Xavier Dolan, à peine 20 ans, décide d'y investir toutes ses économies et de choisir lui-même les acteurs du film ; il sera toutefois aidé par la Société de développement des entreprises culturelles du Québec après un premier refus de celle-ci. Cette année sera alors celle de sa révélation avec la sélection de son long-métrage plus ou moins biographique au festival de Cannes à la 41ème Quinzaine des réalisateurs, où il remportera trois prix. Xavier Dolan marque déjà les spectateurs par son histoire touchante et son trop-plein de style, utilisant nombre de prouesses visuelles et parsemant son film de références culturelles. Vaniteux le Xavier Dolan ? Le jeune homme semble savoir qu'il a du talent et met le paquet dès son premier film - non sans défauts. Mais il impressionne forcément, vu son jeune âge. Acteur, réalisateur, producteur, il multiplie les rôles et prouve décidément qu'il est décidé à réussir. Quitte à se voir étiquetté de jeune diva présomptueuse, pour ne pas dire prétentieuse et arriviste.
Attendu au tournant pour son second film, il signe Les amours imaginaires qui se retrouve à nouveau à Cannes en 2010 dans la sélection Un certain regard grâce à laquelle il recevra une ovation de huit minutes en fin de séance. Xavier Dolan confirme qu'il a du talent, du style, un regard esthétique et romantique sur la vie. Son assurance à filmer une histoire bancale d'amour à trois teintée de ralentis que ne renierait pas Wong Kar-wai, le tout baignant dans une fraîcheur colorée à la Almodovar, en font une figure de proue de la nouvelle génération du cinéma québécois, une fierté nationale à l'extérieur du Canada, un abonné des grands festivals internationaux. Il n'en faut pas plus pour que le nouveau jeune prodige trouve son public. Et déborde encore davantage d'ambition.
Ce n'est pas son troisième film à venir qui contredira cette tendance. Laurence Anyways, épopée d'un homme bien décidé à changer de sexe, et de sa compagne qui ne sait pas par quelle bout le prendre, est une production coûteuse pour le cinéma québécois (9 millions d'euros!) et nécessite un casting et un appui financier français. Le film, qui se déroule sur dix ans, est de nouveau sélectionné à Un certain regard à Cannes. Beaucoup s'en réjouirait. Dolan n'hésite pas à exprimer sa déception. Il voulait être en compétition. Sûr de lui, il affirme que c'est son meilleur film, qu'il l'avait réalisé pour être le plus jeune cinéaste en lice pour une Palme d'or : il veut entrer dans l'histoire du cinéma. Cette arrogance dérange et n'améliore pas l'image qu'il dégage auprès des professionnels. Influencé par Titanic, rejetant toutes référence à Almodovar ou la nouvelle vague française, il livre un film de 2h40 qui croise ses deux précédentes oeuvres : le mal être, les relations ambigües entre l'homme et la femme, l'amour-haine. Son écriture est précise, caustique et parfois cynique.
Mais Xavier Dolan séduit, malgré tout. Il est même capable d'auto-dérision. Comme ses films. Sa capacité à avoir écrit son cinéma dans un pays où les films sont rarement singuliers (hormis les grands noms connus à l'étranger) et son imaginaire foisonnant en font un jeune cinéaste plus que prometteur. Ce désir d'écrire, de raconter des histoires aussi personnelles, de magnifier des acteurs à travers des portraits aussi justes que romanesques, de sublimer les rivages du Saint-Laurent ne peuvent qu'inspirer de la sympathie et de l'admiration. D'autant qu'avec ces trois films sexuellement polyamoureux et questionnant l'identité et les genres, il est devenu l'un des porte-étendarts de la cause LGBT (Lesbien Gay Bi Trans), un symbole du cinéma queer. Il se revendique américain (raconter des histoires plutôt que de faire du cinéma) même si, avouons-le il est davantage européen dans sa façon de regarder le monde, de créer des images, d'imaginer des rapports dénués de morale ou de schématismes judéo-chrétiens.
Son prochain film devrait parler du deuil. Et cela n'a rien d'étonnant. On sent chez lui l'incandescence de la jeunesse, cette brûlure permanente qui le fait enchaîner les films. Comme s'il pressentait un déclin rapide, la peur de se consumer précocement. "C'est sûr que dans 15 ans je vais aller en compétition (à Cannes) avec des films mineurs parce qu'on se fane, on vit moins de choses... Il est fort probable que ça m'arrivera, parce que ça arrive aux meilleurs d'entre nous, comme aux pires d'entre nous. Ça arrive généralement à tout le monde<:i>" dit-il, déjà mélancolique. Comme tous ses films.
Matthieu, vincy
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