David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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HORS-SAISON





Il y a de profonds malentendus sur l'oeuvre de Claude Sautet. Le premier est de ne voir en lui qu'un cinéaste bourgeois. Même s'il a su révéler une classe qui finalement n'a pas beaucoup évolué, contrairement aux idées et à la société, Sautet a filmé bien plus qu'une CSP+. Bien au delà des cadres des ères pompidolienne, giscardienne et mitterandiste et de leurs désillusions.
Avant tout, Sautet est un musicien. Un compositeur de scénario, quitte à repriser les oeuvres des autres, un auteur qui cherchait la note juste comme le bon rythme. Cet amateur de jazz - il fut critique musical - prodiguait ses conseils, inventait des intimités, et cherchait l'élément prétexte qui servait sa narration : un accident de voiture dans Les Choses de la Vie par exemple.

C'est ainsi qu'après ses études du cinéma, il commença par la petite porte (assistant réalisateur), avant de tourner son unique court métrage et de se lancer dans le long métrage dès 55. Ses échecs au Box Office le conduiront à davantage être conseiller ou coauteur des jeunes réalisateurs en herbe.
Car Sautet, dans les années 60, on le retrouve aux génériques de Peau de Banane (avec Belmondo), Borsalino (avec Belmondo), Les Mariés de l'an II (avec Belmondo)... Et surtout du premier film de Rappeneau, La Vie de Château, coup d'essai et coup de maître, et déjà Prix Louis Delluc.
Il montre, à cet égard, un (bon) goût certain pour les histoires romantiques compliquées, les dialogues amoureux et l'observation des caractères. C'est ce don de l'observation qui demeurera le fil conducteur de toute son oeuvre. Il débutera pourtant avec des films d'action (avec Belmondo). Déjà il préfèrera un certain classicisme aux audaces de la Nouvelle Vague ou aux polars artistiques de Melville. Si bien que Sautet n'intègre pas la paysage cinématographique français durant les années de Gaulle mais bien sous Pompidou. Il fut ignoré par la critique, et peu populaire auprès du public.

Les Choses de la vie n'est pas seulement une oeuvre marquante de par sa narration tout en flash-backs, c'est aussi l'oeuvre charnière dans la carrière de Sautet. Il marque le cinéma français d'un réalisme social précurseur et se démarque en esthétisant ses sujets afin de mettre en lumière ses acteurs. On le surnomera alors le portraitiste du cinéma français. Un portrait pour le moins lucide et acide, doux et amer, d'une bourgeoisie souvent auto-suffisante, et névrosée. Car des Choses de la Vie à Vincent François Paul et les autres, en passant par Quelques jours avec moi, Sautet dépeint un univers où le mâle ne se sent pas bien, et où la grisaille embrume les quotidiens.

Pour donner corps à son univers à la fois normal et totalement fictif, linéaire et complètement dramaturgique, Sautet engage des acteurs, qui composeront au fil des films et du temps, une famille. Belmondo, Ventura, Piccoli, Montand, Dewaere, Auteuil, Serrault et dans une moindre mesure Frey, Dutronc, Brasseur, Depardieu, Dussolier, Anglade... des gueules, des comédiens d'une trempe exceptionnelle. Il est assurément le réalisateur qui aura su révéler les liens amicaux entre les hommes, ce qui les unit, pour le meilleur comme pour le pire, selon les sujets abordés dans ses films. Côté actrice, il y en aura 3. Schneider. Bonnaire. Béart. Son exigence semblait plus grande, basée sur l'attirance et l'élégance, une certaine froideur, et cette hésitation perpétuelle : avec ou sans chignons...
Schneider illuminera son apothéose (les années 70, avec la musique de Sarde, les dialogues de Dabadie et la photo de Boffety) tandis que Béart, en digne héritière, rayonnera sur son crépuscule de gloire. Les deux actrices seront les symboles forts de son cinéma, mélange de retenue, de pudeur et de chaleur féminine, entre générosité et sensualité. Le plan de Serrault regardant le dos nu de Béart endormie est, à ce titre, une évocation puissante des sentiments de Sautet à l'égard de ces beautés un peu glaciales.

Entre le Prix Louis Delluc de 1970 (Les Choses de la vie) et celui de 96 (Nelly et Mr Arnaud), Sautet n'essaiera jamais de changer de ton ou de genre. Il ancrera son cinéma dans une observation méticuleuse des comportements (amoureux, notamment) et dans une critique parfois cynique, et en tout cas une détresse plaintive et fataliste, de notre société. La drogue, la consommation, l'informatique, les petits boulots, la prison ou encore l'argent qui corrompt ne sont que des "prétextes" à faire agir, réagir et interagir les personnages. Ils sont des décors ou des éléments scénaristiques, ils sont une toile de fond ou une analyse anticipatoire de notre actualité.
Pourtant ce "sociologiste" comme le taxeront certains est avant tout un sentimentaliste. S'il dépeint les évolutions de la société "middle class" et bourgeoise, il s'attache surtout aux universels relations entre les êtres, à leurs regrets, leurs envies, et tout ce qui les empêchent de communiquer. Le silence est omniprésent chez Sautet. ce qui lui permet de mieux capter les regards, les gestes, les non-dits. Et parfois les conflits, notamment ceux inter-générationnels (Un mauvais fils, Nelly et Mr. Arnaud).

"Si la vie passe dans un film, le film est bon. Si la vie ne passe pas, on peut faire tout ce qu'on veut, c'est très mauvais", aimait-il répéter. Il ne fut jamais satisfait d'aucun de ses films, hormis peu-être Nelly, et s'autorisa à les remonter constamment. Claude Sautet subira constamment son décalage avec la critique, jamais très tendre. Ses meilleurs films seront parmises moins populaires : Mado, Quelques jours avec moi... Ceux auxquels le public adhère laisse les cinéphiles de marbre : Nelly et M. Arnaud, Vincent François, César et Rosalie... Il y eut de sévères échecs : les flops successifs d'Un mauvais fils et de Garçon! l'ont fait songer à quitter le cinéma. On l'accusait d'être trop classique, trop franco-français... Lui se voyait en train de se répéter. Mais le regard d'un auteur ne naît-il pas de son environnement, autant que de son imagination? Et puis il y a ceux qui font consensus : Les Choses de la Vie, Une Histoire simple (nominé aux Oscars) et Un coeur en hiver (primé à Venise, premier César de réalisateur). L'homme est constamment au centre de ses préoccupations, avec autour un univers gris et rose, sombre et clair.

Sautet a toujours eu l'intelligence, en bon scénariste, de faire appel aux meilleurs auteurs du 7ème art hexagonal : Jean-Loup Dabadie, Claude Néron, Jacques Fieschi, Jérôme Tonnerre, Michel Audiard, ....
Chacun contribuera à le stimuler et à le guider vers de nouvelles formes, de nouvelles atmosphères, le regénérant automatiquement. Il ne cessera d'imaginer des balades romantiques, des promenades existentielles, des rapports amoureux entre les amis, des rapports amicaux entre les amoureux; il racontera des histoires d'amour impossibles ou refusées, déclarées ou hésitantes. Cet univers sans misère et sans horreur, à l'aspect cocooning, mais jamais solitaire, a son revers : le désespoir des uns, le malheur des autres, et finalement une angoisse de la vie, la peur de passer à côté de quelque chose d'important... Comme peu l'ont fait, Sautet mariait à merveille l'intimité et la froideur, la générosité et la distance, la finesse et la volupté. Il était lui-même loin des honneurs, du tapage médiatique, des paillettes des Festivals. Son nom était une signature, un label de qualité, de chic.
Fidèle ami et artiste modeste, le timide Sautet était un touche à tout discret : un "ressemeleur de scénario" (dixit Truffaut), un réalisateur de spots de pub (jamais diffusés), un président de la SACD, un critique de musique, ... Il aimait s'amuser, et le cinéma lui paraissait ludique. Il aimait donner, ce qui l'obligea à toujours vouloir être divertissant pour que le public l'apprécie.
Aujourd'hui, il fait des émules. D'autres reprennent son flambeau. Beraucoup même le revendique. D'autres observent, différemment cette dégradation morale, cet amour des gens, ce goût des autres, avec le même amour du scénario : Jaoui, Tavernier, Deville, Klapisch, Esposito... Et si d'autres accusent ce formalisme un peu académique, ces partitions trop bien écrites, ces contextes un peu démodés, on ne peut que reconnaître l'universalité de son propos et l'harmonie des sentiments. Bref une certaine magie offerte par le cinéma.

vincy


 
 
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