|
|
David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
|
  
     
Coeurs transis ou coeurs brisés, en
un clic fixez sa cote.
|
Votes : 13Cote : 16 %
|
|
|
|
L'ETERNEL AMOUR
Un des derniers monstres sacrés du cinéma français a disparu à 84 ans, juste avant la fin du siècle. Jean Marais, star du Cape et d'épée, égérie de Cocteau, artiste aux multiples talents, avait réussi à traverser les époques en passant du cinéma au théâtre, de St Germain des Prés à l'arrière pays cannois.
Sans Dieu ni père
Son caractère d'acteur, il le doit à sa mère, un peu mythomane. C'est aussi d'elle qu'il tient sa morale - il n'en a pas. Elle le trouvait laid, lui ne se trouvait pas si moche. Bref il ne se considéra jamais comme beau.
Il multiplie les jobs au début de sa jeunesse: aide photographe, copiste de cartes postales, peintre, puis figurant au cinéma... un touche à tout.
Sa première apparition date de 1933, dans L'épervier & l'aventurier. Sur les planches, il débutera potiche sans texte dans Oedipe Roi, mis en scène par... Cocteau. Nous sommes en 1937. Il a 24 ans.
Muse...
Par un heureux hasard, cet Apollon au corps d'athlète, croise donc Jean Cocteau. Un couple qui deviendra aussi célèbre que son équivalent hétéro Renaud-Barrault.
"Cette rencontre a été pour moi une véritable seconde naissance" affirme le comédien.
Cocteau, lui, disait: "Le type de l'acteur-poète qui ne profite pas des oeuvres en virtuose, mais ne cherche qu'à les servir."
En 1943, en pleine guerre, il est la vedette de L'éternel retour, transposition moderne de Tristan et Yseult, réalisé par Jean Delannoy. Face à Madeleine Sologne, en pull jacquard, Jean Marais devient du jour au lendemain une vedette. Le film, aux accents surréalistes et imaginaires, est écrit (scénario et dialogues) par Cocteau - qui réalisait un autre film - et a rencontré quelques vives critiques, reprochant notamment l'aspect trop "aryen" du couple.
Mais durant 20 ans, Jean Marais ne quittera plus le haut de l'affiche. Il doit sa carrière à deux genres. Les films de son amant et pygmalion, Cocteau: La belle et la bête, collaboration artistique née en 1945. Marais se fait maquiller pendant 5 heures. Ce premier film remporte le 5ème Prix Louis-Delluc. La poésie moderne et imagée de Cocteau permettra à Marais d'endosser des habits à la fois tourmentés et romantiques (L'aigle à deux têtes, Les parents terribles, Orphée, Testament d'Orphée). L'itinéraire est fusionnel, unique, fabuleux en terme de création, totalement homosexuel et pourtant si universel.
...Héros
Mais Jean Marais a une vocation. Celle de jouer. Il sera donc l'interprète de Christian-Jacque, René Clément, et surtout de nombreuses pièces de théâtre (il a été admis à l'unanimité à la Comédie Française). Le théâtre qui lui valut quelques ennuis avec la presse collabo - et qui inspira Truffaut pour son Dernier métro.
Dans les années 50, Marais tournera avec Renoir et Ingrid Bergman (Elena et les hommes), Guitry (Si Versailles m'était conté) et Visconti et Marcello Mastroianni (Nuits blanches).
Mais le public se souvient davantage de ses rôles qui exigeait la peau douce sur les joues pour attendrir les belles et le bras d'acier pour escrimer les bêtes. C'est donc vers 40 ans, c'est à dire plus tout à fait jeune, que Marais devint star du cape et d'épée: Le comte de Monte-Christo, Capitaine Fracasse, Le Bossu, Le Capitan, Le Masque de fer... tous les classiques de Dumas et des autres y passent avec un seul visage, un seul corps plus james bondien que jamais, Jean Marais. Succès énormes au Box Office (et à l'audimat télévisuel des décennies plus tard), Marais fera alors le summum symbolique de sa carrière. En 1964, il tourne un film d'action très proche de l'univers de Cocteau, Fantomas. Ces films ont tellement marqué que beaucoup sont sujets à remakes.
Coctellien
Après 25 ans de carrière en haut de l'affiche, Jean Marais se lasse des films d'aventures, dont son image semblait prisonnière. Il ne jouera pas Mort à Venise, son seul regret. Mais en 1970, Jacques Demy, filmant un hommage à Cocteau, lui offre un rôle royal afin que Marais soit enfin le mythe mérité. Dans Peau d'âne, il joue le père incestueux de Catherine Deneuve, parfait dans ce registre mi-poétique mi-grave.
Ses derniers grands rôles furent pour Lelouch (Les Misérables) et Bertollucci (Beauté Volée) au milieu des années 90.
Sa carrière se torunera davantage vers le théâtre, ou avec ses peintures et céramiques de Vallauris. Il se sera aussi octroyé le rôle de gardien du temple, celui de la mémoire de Jean Cocteau.
En quelques mots...
Comédien fait de prestance, au charisme indéniable, pas forcément consistant sur scène, il était surtout un dandy élégant et beau, modèle de séduction, mannequin involontaire pour les grands couturiers. Cet homo notoire fera pamer ces dames... Il sera un pré-James Bond en collant et avec épées. Il avait La fougue de Belmondo dans les cascades, la beauté de Delon (mais celle de Marais n'a jamais fané), l'ambiguïté de Huster, la répartie d'un Serrault, le comique distancié d'un Bourvil... Il finira Président des Césars en 1980.
Mais voilà Marais n'a pas été courtisé par la Nouvelle Vague, son succès était trop français, et finalement dans nos mémoires de cinéphiles a encore le visage de ses 40 ans, avec toujours sa gueule sculptée dans le marbre.
Depuis il n'a cessé d'admirer et de parler de son menthor. Il l'a donc rejoint par delà le Styx, pour signer sans doute un PACS avec lui, puisqu'improbable sur terre. En espérant qu'Orphée ne se retourne pas afin qu'ils profitent de leur éternité.
Il voulait s'amuser, se faire plaisir avant tout, ne pas être sérieux. De toute façon il le dit lui-même: "Je me fous de la postérité".
vincy (1998)
haut
| |
|
