David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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UN SALE GOSSE EN LIBERTE





Il aura attendu longtemps pour avoir un Oscar. Il était temps. Après ses pleines pages de journaux exprimant son opposition à la Guerre en Irak, toutes ses frasques qui ont fait la joie des journaux trash, le "bad boy" d'Hollywood a eu le droit à sa standing ovation, méritée. Berlin, Venise et Cannes (un grand chelem unique) avaient déjà primé ce comédien considéré comme l'un des meilleurs mais surtout l'un des plus intègres. Il ne manquait plus qu'à être prophète en son pays. Merci Eastwood, les films noir, les rivières troubles, la rage d'un père et le sang des racines ...

En 1991, Sean Penn annonce sa retraite prématurée: il a découvert la réalisation (The Indian Runner) et veut dorénavant se concentrer sur cette forme de création. Il lui faudra quatre longs métrages pour connaître un succès public avec Into the Wild, seize ans après son premier film. Car "Hollywood is business" : il faut être rentable pour avoir le droit de tourner, ou jouer. Eastwood en est la preuve (encore) vivante. Sinon la star tourne des navets (De Niro), ne tourne plus (Costner) ou ternit (Gibson). Quand il réalise son premier long, le très estimé The Indian Runner, il sait qu’il va au devant d’un cuisant échec. Trop noir. Mais s'il veut continuer à tenir une caméra, il doit jouer, tout en étant en phase avec sa personnalité, son intégrité.
Précédé d'une solide réputation de fripouille, l'un des comédiens les plus prometteurs des années 80 n'arrivera pas à séduire immédiatement le public. D’ailleurs aucun de ses films n’a franchit la barre symbolique des 100 millions de $ au Box office américain. Trop marginal, pas assez beau, farouche à souhait. Il refuse les ponts d'or, refusant de se compromettre dans des films indignes, des blockbusters insipides, du cinéma de pop corn. Il critiquera même son grand copain Nicolas Cage de s'être renier pour des billets verts... Si l'on compare les deux acteurs, Cage a en effet un statut de star mondiale, se permet de temps en temps de bons films, mais son image est désormais plus proche d'un mec à muscles que d'une vedette à message. Penn, au contraire, polémique et politique, a réussi à cultiver une image qui ravit les cinéphiles, et séduit les amateurs d'art et essai. Pour l’un l’Oscar a été une consécration précédent son lent déclin, pour l’autre les nominations n’ont fait qu’accompagner son envol. Sa notoriété est intacte, puisque, paradoxalement, il a tourné avec les plus grands cinéastes de son époque, dans des films "difficiles", mais qui ont remporté un vif succès. A moins que ce ne soit sa participation à la sitcom "Friends".

Il n'aime pas les concessions, s'enferme dans un circuit indépendant, ne cherche riend ‘autre qu’à maintenir en vie un certain cinéma. Il tourne avec De Palma, Jordan, Mellick, Stone, Fincher, Allen, Schnabel, Inarritu, Pollack, Van Sant… Moralement incorrect, l'Amérique rejette ce Mitchum en herbe. Son talent n’est pas remis en cause, et, crescendo, il convainc les cinéastes de son incroyable capacité à se métamorphoser. Méconnaissable dans le sous-évalué L’impasse (Carlito's way), il enchaîne avec un film contre la peine de mort Dead Man Walking. Ironiquement, cette réalisation de Tim Robbins lui vaudra sa première nomination à l’Oscar (il perdra contre un certain … Nicolas Cage). Penn et Robbins empocheront leur Oscar (acteur et second rôle respectivement) la même année, pour le même film, d’un autre acteur-réalisateur (Eastwood). Face à l'éblouissante Susan Sarandon, il livre une performance subtile et sensible. Penn démontre tout son talent, dans un film qui lui ressemble, c'est-à-dire qui signifie quelque chose. De là, il n'en démordra plus : des films âpres, sombres, noirs, alcoolisés, enfumés (même s'il a arrêté le jour de ses 40 ans), des oeuvres où les rages, les dépressions, les passions s'entremêlent et conduisent son homme à la folie, à la perdition, à la destruction. Lui excelle dans les rôles ombrageux, orageux, troubles et tourmentés.

Finie la période Madonna, comédies idiotes et combat anti-paparazzi. Il se marie avec l’actrice Robin Wright, s'assagit, tout en gardant son franc parler non conventionnel. Toujours pas bankable, il continue son itinéraire à part. Des histoires sans flingues, à base de psycho, de maux et de mots. Il tourne beaucoup avec sa femme. Bel exemple avec She's so lovely qu'il a failli réaliser. Une histoire de familles (Cassavetes-Penn) qui finit bien: Prix à Cannes pour Sean, deux après celui de Berlin, un an avant celui de Venise qui lui sera remis pour Hurly-Burly, face à Spacey et Ryan. Choc de titans décadents et rock. Il en profite pour annoncer de nouveau sa retraite en 1999... Pire qu'un joueur de tennis ou un chanteur sur le retour.
Faut dire qu'il n'aime pas Hollywood : le fric facile, les effets de gonflette, l'absence de sens. Il s’avoue dégoûté de l'accueil du film pacifiste The Thin Red Line, pour lequel il s'est beaucoup investit : comment peut-on passer à côté d'un film aussi beau, aussi intelligent... Coup de blues qu’il évacue avec Woody Allen et un rôle de jazzman alcoolo et paumé. Il y a des propositions qu'on ne peut pas refuser. Il se taille une filmographie comme on taille un diamant brut, sans artifices. Même quand les films sont indignes de son talent il parvient à nous bluffer avec un jeu profond et dénué d’astuces visibles, qu’il soit Dieu ou autiste, comploteur prêt à assassiner Nixon ou politicien cynique. Il est intéressant de noter qu’il a joué dans quatre films traitant de complot politique, en tant que victime, protecteur ou tueur. La menace de la démocratie, ultime péril, vrai scénario catastrophe ?

Côté réalisation, Sean Penn engage deux fois de suite Nicholson, ce qui lui permet de financer ses polars humides et sombres. The Pledge se retrouve même en compétition officielle à Cannes. L’enfant terrible intègre finalement le panthéon du 7ème Art. Une reconnaissance qui lui plaît et qu’il accueille avec bienveillance. Cette appartenance à la famille « noble » du cinéma sera sans doute ce qui le conduira à la Présidence du jury du plus prestigieux festival du monde sept ans plus tard. Cette même année, où - coïncidence ? grands esprits qui se rencontrent ? – il connaît son premier succès public avec l’un de ses films. Into the Wild, qui cumule un total de 50 millions de $ au box office mondial, devenant culte en France et en Italie, reflète très bien l’époque de doute des individus et l’absence de repères d’une génération. Il montre les limites des philosophies post-Kerouac, les contradictions et confrontations d’une civilisation pourrie par le matérialisme avec l’utopie impossible d’un retour à la nature, dénonçant le diktat de l’argent sur celui des sentiments. Naturaliste et humaniste, Sean Penn continue de se rebeller contre un système dont les valeurs ne sont pas les siennes.
Le déclic a sans doute eu lieu en 2003. Sean Penn, rangé, mature, s’emporte publiquement contre l’administration Bush, mais ne subit pas les conséquences de ses prises de paroles puisqu’il obtient avec le même film, son plus gros succès et son Oscar du meilleur acteur. En lui offrant un rôle déjanté et immoral, une face cachée de l'Amérique, Eastwood permet à Penn de gagner ses gallons.
Simultanément, il va incarner son plus beau personnage, Paul Rivers, sur la pente descendante, loin de sa femme, Charlotte Gainsbourg, proche de cette blonde, Naomi Watts. Inarritu le pèse : 21 grammes. Comme l’âme.
Deux hommes qui révèlent leur ombre et leur lumière, leur déchéance et leur pardon, ce qui les ronge et ce qui les fait vivre, une forme de foi, d’absolu, qui sied si bien à ce chien enragé, enfin dompté. A moins qu’il soit malicieux et qu’il apprenne à apprivoiser le système pour parvenir à ses fins : s'exprimer en images, avec ses idées, ses mots, sa propre petite musique intérieure... Face aux antagonismes entre la tradition cinématographique qu’il entend faire perdurer et la technophilie dénue de narration des productions contemporaines, Penn n’évite pas la confrontation ou même le clash. Il revendique son engagement, citoyen du monde et enfant de l’art. Il a réussi à conquérir le cœur des cinéphiles et la raison des plus réticents. Véritable résistant à la norme et au formatage, idéaliste, cet acteur devenu charismatique, séduisant, symbolique, apaisé à la manière d’un Peter Gabriel, Sean Penn veut ouvrir les yeux sur un monde plus intéressant que son Amérique. « Partout dans le monde, le cinéma semble faire l’objet d’un intense renouveau : de plus en plus de films éveillent l’imaginaire et provoquent émotion et réflexion, dans l’émergence d’une nouvelle génération de cinéastes extrêmement talentueux» disait-il quand il accepta la Présidence du jury cannois en pleine année présidentielle américaine.

vincy


 
 
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