David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles.



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GUEULE D'AMOUR





"Je suis monté sur les planches à contrecoeur. J'ai tourné mes premiers films sans enthousiasme, sans espoir. A présent, ça y est : me voilà mordu..."
Celui qui parlait ainsi quelques années avant la guerre n'était autre que Jean Gabin, mort le 15 novembre 1976 après avoir fait 95 films et un court métrage. Une disparition qui secoua le public, endeuillant profondément le cinéma français, dont les derniers monstres sacrés sont partis l'un après l'autre au point que le terme a tendance à disparaître du vocabulaire. Qui reste-t-il ? Mais qui est comparable aux grands d'une époque authentiquement faste, à ces hommes dotés d'un charisme à faire battre les cils de la caméra? Il en est d'ailleurs de même à Hollywood où les vraies stars se comptent de nos jours sur les doigts.

Il n'était pas entré dans le métier d'un coeur léger, plutôt contraint et forcé par la volonté paternelle, alors tenancier de café. Cela se fit le jour où papa Moncorgé - le vrai nom de Jean Gabin, né le 17 mai 1904 - emmena son rejeton aux Folies-Bergère. Dont le directeur était Fréjol, vieux copain du père. Celui-ci emmena son fils en coulisses, le présentant en disant : "Tiens, voici mon fiston. Il aimerait faire du théâtre. Peux-tu l'aider ? Si tu arrives à en tirer quelque chose, tu auras bien du mérite. Moi, j'y renonce..."
Pris à l'improviste, Jean réagit mal, accepta de devenir figurant dans une revue dont les répétitions allaient commencer. Le pied pris dans l'engrenage, il continua, tâta du music-hall, du tour de chant, de l'opérette.
En 1930, le parlant, qui avait besoin de nouvelles recrues "sachant dire un texte, chanter et danser", l'annexa. Et comme il n'avait de réelle vocation pour aucun métier, à part la boxe peut-être (comme beaucoup de comédiens, étrangement), il se laissa faire douce violence. Après tout, le théâtre et le cinéma ne nourrissaient pas mal celui qui en faisait. Alors...

Souvent, parvenu au faîte, il devait dire : "Cette fois, c'est fini: plus de cinéma pour moi ! J'ai d'autres occupations qui m'intéressent bien davantage". La vie de fermier à la campagne lui allait comme un gant. Des copains avec qui il s'entendait bien venaient le relancer : "Jean, on a besoin de toi. Il n'y a que toi pour jouer tel personnage de mon prochain film. Et tu verras, le texte que nous avons écrit à ton intention, te collera à la peau..." En ronchonnant, il acceptait et c'est ainsi qu'il fit 95 films, dont un court métrage. Entier, têtu mais clairvoyant, il disait : "D'une bonne dizaine, pas plus, je suis relativement satisfait. Le reste ? Du beefsteack pour nous faire vivre, ma famille et moi..."
Chaque année, on s'attendait à ce qu'il déclare forfait puisque, depuis bien longtemps, il n'avait plus besoin de travailler. Mais chaque année aussi, il y avait un nouveau Gabin sur les écrans. A mesure qu'il vieillissait, il étonnait davantage. Les jaloux avaient beau ricaner dans son sillage : "Il ne cesse de ressasser son vieux numéro, toujours le même", le public, seul juge en définitive, applaudissait et des deux mains encore. Car il n'y eut jamais qu'un seul Gabin. Comme il n'y eut qu'un seul Jouvet, un seul Harru Baur, un seul Pierre Fresnay.

Il fonde, même, en 1963, sa maison de production avec Fernandel, la Gafer. C'est en pensant aux films de Delannoy et de Le Chanois que Truffaut a raison d'écrire à propos de Jean Gabin et de Gérard Philipe : "Ce sont des artistes trop dangereux qui décident du scénario ou le rectifient s'il ne leur plaît pas. Ils influencent la mise en scène, exigent des gros plans. Ils n'hésitent pas à sacrifier l'intérêt du film à ce qu'ils appellent leur standing et portent selon moi la responsabilité de nombreux échecs". (Arts, 29/04/1959).

On peut supposer qu'il fut heureux comme un roi dans sa belle maison, entourée de prés et de vergers, de pâturages pleins de bestiaux, à la campagne. Il y vécut avec Dominique Fournier, sa troisième femme, mère de ses trois enfants. Auparavant, il avait été uni pendant cinq ans à Gaby Basset, une charmante comédienne, ensuite à Doriane. Mais Dominique fut la compagne des jours les plus harmonieux. Parfois, rarement pourtant, le couple "allait en soirée" et c'était tout un événement que l'apparition de cette légende sortant de son refuge. Car il aimait par-dessus tout se terrer dans sa retraite dorée, indifférent aux vanités du monde, terriblement blasé en somme, réaliste avant tout au point que le cinéma n'avait plus du tout pour lui, et depuis longtemps, le parfum de l'aventure.
Il aima passionnément la mer, ce Chevalier de la Légion d'Honneur et quand il trépassa, ce fut vers elle qu'il retourna: ses cendres furent répandues sur les flots, au large de la Bretagne, tel qu'il l'avait souhaité.

Du Français idéal au patriarche

Ce qui plaît dans Gabin, c'est cette succession de symbole qu'il a incarné. Sorte de Gaulliste, patriote, french lover (Dietrich...), un lien affectif entre l'avant et l'après guerre. Un gentleman rustre.
La carrière de Gabin se divise en 3 phases.
Sa première phase comprend ses plus grands films, ses plus beaux rôles, et surtout lui offre ses plus belles performances d'acteur: entre 36 et 39 il enchaîne Pépé le Moko, La Grande Illusion, Quai des brumes, La Bête humaine, Le jour se lève.
Romantique ou prolo, héroïque, il fait craquer les femmes (et les yeux de Morgan), et devient une symbiose du Français d'avant la guerre, moralement irréprochable mais toujours un peu voyou.
Après la guerre, la Star Gabin, qui aurait pu réussir à Hollywood, paresse dans des films plus conventionnels. Pas de risques. Et déjà plus vieux que les jeunes premiers. Il décline son personnage à l'infini, de Maigret à Valjean, on ne voit que Gabin à l'écran.
Une absence apparente de jeu qui s'étire jusqu'à la fin des années 50. Les rôles sont plutôt bourgeois, parfois provocateurs. L'étincelle c'est En cas de Malheur en 58, où Gabin devient un vieil homme, confronté à la jeune Bardot. Deux époques s'entrechoquent. Mais pas encore deux cinémas.
A partir des années 60, la Nouvelle Vague l'ignorant, il se laissera séduire par les apôtres du polar à la française, Verneuil, Granier-Deferre... Et un contrat assurance-vie avec Denys De La Patellière. Une fin de carrière à la fois audacieuse et sans intérêt. En pilotage automatique. Et bien que ce soit Delon qui lui rende hommage régulièrement, c'est avec Belmondo qu'il fera sa dernière grande composition: Le singe en hiver lui donne l'occasion de passer le relais, dans un soubresaut de folie éthylique et poétique. Feu d'artifice!

chris, vincy


 
 
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