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David Lynch, Lion d'or et Palme d'or, n'a pas tourné de long métrage depuis 2006. Une longue absence. Heureusement il nous a offert une suite à Twin peaks pour la télé. Et on peut voir ses photos fétéchistes dans l'exposition de Louboutin au Palais de la Porte dorée. Il vient aussi de terminer un court métrage. Elephant Man ressort cette semaine en salles. |
(c) Ecran Noir 96 - 24 |
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Coeurs transis ou coeurs brisés, en un clic fixez sa cote.
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Votes : 12Cote : 11 %
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NICOLE GARCIA ET AUTRES HISTOIRES
La femme est élégante, intelligente, respectée, séduisante... Actrice depuis 68, Nicole Garcia amorce une belle carrière grâce à Tavernier en 1974 (Que la fête commence), et obtient de beaux rôles dans les années 80 ((Péril en la demeure reste le plus marquant). À l'instar de nombreuses comédiennes "cérébrales" et "intellos" de sa génération, les Christine Pascal et autres Brigitte Roüan, elle décide de passer derrière la caméra (en 1986 avec un court métrage, pour débuter). Mais Garcia, en trois longs métrages, s'imposent comme l'une des rares réalisatrices à toucher un grand public, aux côtés de Coline Serreau, Josiane Balasko et Agnès Jaoui. Il y a plus d'un point commun entre ses deux actrices-réalisatrices, outre l'amour des mêmes comédiens, la mécanique précise des scénarios, l'importance des rapports humains et l'ambiance crépusculaire des lumières. Plus singulièrement encore, le cinéma de Nicole Garcia fait consensus entre cinéphiles et critiques, grands festivals et professionnels. Multiples nominations au César du meilleur réalisateur. Malgré ses sujets dramatiques, plus d'un million de français vont se laisser happer par ses images en clair-obscur. Elle a été sélectionnée à Venise comme à Cannes.
Parcours admirable, www.topcoachsale.com rare, qui coïncide avec l'image que l'on a de la femme. Comme toute séductrice dans l'âme, cette femme aime les hommes et les filme comme personne. Mais elle n'oublie pas les femmes, qu'elle aime voir paumées, mystérieuses, belles, déterminées. Caporal en chef et capricieuse par jeu, elle possède cette force tout à fait masculine, capable de diriger les plus grandes gueules, cette intuition toute féminine de savoir plaire, et ce don très maternel de protéger toute sa clique. Touchante personnalité. Et films tout aussi troublants. Voix éraillée, imaginaire qui déraille : les passés sont (dé)composées, les destins déchirés, les mensonges se muent en trahison, les fuites ressemblent à des évasions, dans des paysages toujours un peu sauvages.
Comédiens
Mais Garcia c'est avant tout des histoires de familles, frères ou couples, avec ou sans enfants. Divorce, héritage, veuvage, il y plane toujours une ambiance morbide sur des amours contrariés. L'amour d'un fils et d'un père, ou celui d'anciens amants. Derrière ces bals de fous qu'elle affectionne tant, la cinéaste se plaît à enlever les masques, et rend vulnérable nos stars les plus invincibles. C'est avec Un week end sur deux que Nathalie Baye reprend sa respiration entre sa faste période du début des années 80 et son come back à la fin des années 90. Pas coulée, mais fragile. Dans Le Fils préféré, qui renoue avec un duo de Spécialistes, Lanvin (premier César du meilleur acteur) et Giraudeau sont magnifiés et fêlent définitivement leurs armures. Grâce à Place Vendôme, Deneuve enlève le maquillage, trébuche avec justesse et reprend son élan dans cet affrontement viril. La cinéaste donne raison à Sagan et Depardieu ("Elle est l'homme que j'aurai voulu être") et lui sert sur un plateau un Prix d'interprétation à Venise. "Nicole Garcia est une actrice, elle aussi, donc elle a son idée sur la façon de jouer. Avec les hommes, j'avais pris l'habitude d'avoir mon aire de jeu, où j'étais assez libre" évoque l'égérie de Téchiné. Et en remplaçant son compagnon Berléand (pas assez "bankable") par Auteuil, elle permet à celui-ci d'explorer toutes les nuances entre le jeu et la vérité, la morale et l'insoutenable (L'adversaire). Dans tous les cas, ils sont récompensés par des nominations aux César, des personnages enrichissants, des films respectés. Les grands se bousculent pour être élus.
Elle qui a tourné pour Resnais et Sautet, sans jamais être la Muse d'un seul, change aussi les visages et les corps qui occupent ses songes sur grand écran. Elle a bien repris Bacri ou Fresson, mais ce sont deux exceptions. Ce qu'elle apprécie c'est une sorte de confrontation entre les styles, un Poelvoorde face à un Lindon, un Magimel face à un Pineau, un Dutronc et une Seigner, un Barr dans des grands blues. Les femmes sont belles, les hommes craquants. Pas de deux maîtrisé et facile, en apparence. De son métier, elle a su garder la connaissance essentielle de savoir le transmettre à ses comédiens, toujours impeccables. Elle relie toujours ses deux motivations. Pour la Deneuve, elle parle même de reflet : "Avant de réaliser des films, lorsque je n'étais que simple actrice, ou plutôt simple soldat, elle était comme une sorte de double idéalisé." Peut-être parce que sa dualité masculin / féminin, réalisatrice / actrice, oranaise / parisienne suinte à travers chaque bout de pellicule. De même sa moralité est ambivalente. Source de ressourcement, à l'origine des possibles. Elle met en lumière un Berléand pas très connu. Elle aime ça, mettre en lumière, bien plus que mettre en scène. Leur coup de foudre a eu lieu sur une pièce de théâtre. Il est pourtant marié. Ils vont devoir jouer mari et femme, puis devenir un couple après ce Partage de Midi.
Elle ne déteste pas la transgression. Pas forcément l'excessivité. Le risque du déséquilibre, dans la vie comme dans ses oeuvres, toujours glaçantes et sublimées même dans la noirceur. Féline au sang chaud, elle plonge ses vedettes dans une eau froide, des univers épurés. Ses personnages ont toujours de l'allure, de la décence, même dans l'horreur ou la tragédie. Mais leurs cassures viennent nous renvoyer en miroir nos propres défauts. Il y a un humanisme, presque optimisme malgré ce chien loup permanent, qui transpire à chaque dialogue, chaque regard.
Ecriture
Nicole Garcia, avant de filmer par amples mouvements ses conflits, écrit. Avec Jacques Fieschi (le scénariste de Sautet, tiens donc) et parfois d'autres (Philippe Le Guay, François Dupeyron, Frédéric Bélier-Garcia), elle assemble son puzzle par associations d'idées, désirs de scènes, envie de rencontres. Des absences, des silences, des inexistences hantent des scripts presque cliniques. Après Place Vendôme, elle a avoué ce goût pour la mise en abîme : "je me dis que pour s'abandonner autant, Catherine (Deneuve) a dû me faire sacrement confiance. Peut-être qu'elle l'a fait inconsciemment, mais il fallait qu'elle sente qu'au bout du chemin, quelqu'un allait lui rendre quelque chose de cet abandon. Il n'y a qu'un metteur en scène pour vous protéger dans ce dénuement que vous offrez à un tel rôle... Ce qui ne veut pas dire que tout ça se soit passé sans douleur, sans tension, sans difficulté. Il y a des voyages qu'il est sans doute impossible de faire le coeur léger. Peut-on s'approcher si près du gouffre en toute impunité ?
L'impunité n'a pas lieu d'être dans son cinéma. On paye toujours le prix (fort) de ses égarements. Il n'y a pas de liberté possible sans justice. Lyriques, pudiques, ses films reposent, néanmoins, sur la force et la détermination de personnages déchiquetés, détruits, anéantis. Elle ne juge pas, elle observe. "Je n'aime pas le langage des mots. Je préfère celui du corps. La psychologie fatigue. Elle ne devrait d'ailleurs pas exister dans la direction d'acteur. Comme s'ils n'étaient pas capables de lire ou de comprendre un scénario ! Il ne faut que quelques jours à un grand comédien pour s'emparer d'un rôle". Elle essaie de comprendre et nous conduit sur un chemin périlleux ou improbable. La souffrance, ici, nécessite une splendeur, le désarroi une totale maîtrise de soi. Les acteurs doivent avoir un spectre de jeu extrêmement large" mais aussi une dignité qui ne les rend jamais pathétiques et parfois étonnants. Grandeur et déchéance. Dans un chaos imperceptible pour l'Histoire, assourdissant pour les petits humains qu'elle dépeint. Leurs blessures, leur vivacité, leurs passions. Trinité souvent liée dans son cinéma.
Elle ne cache rien, et, au contraire, cherche à faire remonter l'inconscient en surface. "Quand l'affaire Romand a été révélée, j'ai été fascinée comme beaucoup de monde, par le caractère vertigineux du mensonge, la durée incroyable de cette construction. Mais l'horreur du crime m'en éloignait. En même temps, il m'a toujours semblé que cette histoire prend sa dimension tragique et "romanesque" dans ce retournement ultime, sous cet horizon terrible... Là, il y a quelque chose qui l'arrache tant au cas clinique de la mythomanie, qu'au drame social. Il fallait tout prendre ensemble..."
Ses fictions mélangent l'intériorité et l'intimité, la complicité et l'opacité. Enigmatiques, ses jeux de rôles deviennent des (en)quêtes absolues qui servent de catharsis à des Puissants tombés de leur piédestal. Rêves de diamants ou de météorites, ses êtres paniquent et doivent assumer une responsabilité qui leur fait peur. La folie peut tout emporter, ou au contraire la raison. Nicole aime les histoires. Elle les traque dans les faits divers, les capte au gré des voyages et des visages : "C'est passionnant d'observer le chemin qu'on a fait, ces choses qu'on a laissées derrière soi, cette fatigue sur le visage d'un homme ou d'une femme de 50 ans. A partir d'un certain âge, on lit sur le visage tout ce qu'on est devenu, et aussi tout ce qu'on n'a pas été... C'est l'héritage de la vie. Et ça c'est magnifique."
Vagues à l'âme
60 ans et pourtant brillante, vivante, trépidente. Entre failles et montagnes. Traces d'enfances, adultes atemporelle, toujours un peu adolescente. Elle a refusé la dictature des rides. Rejeté la passivité et l'impuissance face à la fatalité du vieillissement de cette (toujours) courtisane du 7ème Art. Préférant établir une dialectique entre force et folie, foi et friabilité. Coups de foudre. "On met tellement d’énergie à dissimuler sa faille, comme si elle pouvait nous déshonorer." L'actrice timide et sophistiquée, complexée et maquillée, n'a pas montrer son corps; cependant elle n'aime filmer que ça, les voir se désinhiber sous son oeil malicieux. Mal à l'aise et maladroite quand elle était petite, elle a navigué, depuis, dans les zones d'ombres, clairsemées de grands raies de lumière. Comme après l'orage. Désormais elle a vocation à partager ses secrets, assumant ses propres errances. Goûtant à cette liberté précieuse où le succès coïncide avec un épanouissement personnel. Un monde, selon Nicole.
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